
Pourquoi nous nous félicitons du retrait, au Sénat, de la loi sur la fraude sociale
Peu après le début des débats, le 31 mai, le sénateur Eric Doligé (Les Républicains) a dû retirer sa proposition de loi « visant à améliorer l’accès aux droits et à lutter contre la fraude ». Motif: l’article 1 avait été rejeté. ATD Quart Monde s’en félicite. Avec trois autres associations, le Mouvement avait appelé à ne pas voter un texte stigmatisant les plus pauvres.
La proposition de loi sur le RSA était à l’ordre du jour du Sénat le 31 mai après-midi. La veille, ATD Quart Monde avait cosigné un communiqué de presse avec Emmaüs France, la FNARS et le Secours catholique appelant les sénateurs à « ne pas se tromper de combat ». Les signataires soulignaient que, loin d’améliorer l’accès aux droits comme son titre l’indique, le texte, au contraire, compliquait l’accès au RSA, fragilisant ainsi les plus fragiles.
Voici en détails les raisons pour lesquelles nous pensons que cette proposition de loi stigmatise les bénéficiaires de prestations sociales, alimente la défiance à l’égard des plus pauvres et que, loin d’améliorer l’accès aux droits, elle risque de compliquer encore l’accès au RSA.
La fraude sociale, une pauvre fraude
Aucune fraude ne peut être justifiée mais cette loi risque de stigmatiser encore plus les bénéficiaires de prestations sociales et d’alimenter la défiance au sein de la société. Tous les chiffres montrent que cette fraude est en réalité relativement modeste. La fraude au RSA est estimée en moyenne à 30 euros par an et par allocataire. Dès l’exposé des motifs, les sénateurs évoquent une fraude sociale de 0,6 milliard d’euros sur un total de 4,5 milliards d’euros de fraude en 2013.
Voir notre article démontant l’idée fausse sur « les pauvres sont des fraudeurs »
Un risque de non recours accru
30% des personnes qui pourraient bénéficier du RSA socle ne le réclament pas. Peur de l’image négative, complexité des dossiers, manque d’informations… les raisons sont multiples, mais aucune ne semble pouvoir être résolue par la proposition de loi présentée mardi 31 mai au Sénat.
Ce texte de loi concentre des mesures qui compliqueront l’accès au RSA, en voici quelques unes :
- article 1er : Attendre que le dossier soit complet pour ouvrir le dossier de RSA.
Les dossiers de RSA sont très complexes, parfois une centaine de pages, cette mesure pourra reculer l’accès au RSA de nombreux mois… - article 2 : le RSA pourra être suspendu sans avis préalable d’une équipe pluridisciplinaire, instauration d’un délai de carence après radiation
Qu’en sera-t-il pour les personnes dont le RSa aura été suspendu indument ? - Interdire l’accès au RSA pendant 6 mois après une démission
- Conditionner l’accès au RSA à des heures d’intérêt général
Cette mesure est irréaliste tant sur l’organisation de ce travail que sur la compréhension de la situation des personnes concernées… Nous nous sommes déjà exprimés sur le sujet. Retrouvez notre dernier communiqué de presse sur le sujet ici.
Si on comprend la motivation financière de ces mesures, on ne trouve aucune mesure justifiant l’intitulé premier de cette loi : « améliorer l’accès aux droits ».
La multiplication des contrôles est durement ressentie, elle génère du stress, un sentiment de culpabilité. Compliquer la constitution des dossiers ne permettra pas de sortir du RSA, de trouver un emploi. Les parlementaires devraient concentrer leurs efforts pour accompagner ces personnes durablement vers l’emploi.