
Idées Fausses : « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut baisser les cotisations sociales » C’est faux !
Faux. C’est coûteux et l’impact sur la création d’emploi est limité.
Depuis 1993, les réductions de cotisations sociales sur les bas salaires allant de 1 à 1,6 Smic sont la principale arme utilisée contre le chômage en France, à tel point qu’aujourd’hui aucune cotisation sociale employeur n’est plus due sur un Smic. Les réductions de cotisations sociales s’élèvent à plusieurs milliards d’euros par an, mais elles ont peu d’effets sur l’emploi, pour plusieurs raisons.
Il y a tout d’abord les « effets d’aubaine » qui font que les entreprises embauchent en contrat bénéficiant de cotisations allégées des personnes qu’elles prévoyaient d’embaucher de toute façon en contrat non aidé[1].
On pourrait s’attendre tout de même à ce que, cela abaissant en théorie le coût du travail et en conséquence les prix de vente des produits, les entreprises reçoivent des commandes croissantes, tant sur le marché français qu’éventuellement à l’exportation, et que cela conduise à de nouvelles embauches. Mais, « pour que fonctionne ce processus vertueux, il faut d’abord que le freinage des coûts salariaux soit effectivement répercuté dans les prix, puis que la fameuse compétitivité dépende suffisamment des prix et non d’autres facteurs[2]. Or, cela ne semble pas être forcément le cas. Ainsi, « les allègements de cotisations sociales peuvent en outre être simplement répercutés en augmentation des marges des entreprises éligibles, afin de pouvoir reverser des dividendes aux actionnaires, de financer des dépenses d’investissement ou, plus conjoncturellement, de restaurer une situation financière dégradée », expliquent les auteurs de la note du CAE[3]. De toute manière, disent-ils, « la France ne semble pas souffrir d’un problème de compétitivité-coût du travail au niveau des emplois intermédiaires »[4]. »
Une étude[5]a par ailleurs montré que la politique d’allégement des cotisations sociales conduite depuis 1993, en favorisant les emplois peu qualifiés, conduirait pour une part à une détérioration de la qualité de la production et du contenu en innovation, ce qui se traduirait par un impact négatif sur les exportations et donc, in fine, sur l’emploi.
Une autre montre que si l’on transférait au moins 6 milliards d’euros des programmes de réduction de cotisations sociales vers des programmes de créations d’emplois plus directes, cela en créerait davantage[6].
[Article mis à jour en décembre 2019]
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[1] « Plus de 90 % des emplois subventionnés [par allègements des cotisations sociales] ne disparaîtraient pas si les subventions dont ils bénéficient étaient supprimées » (B. Coquet, Un avenir pour l’emploi. Sortir de l’économie administrée, Paris, Odile Jacob, 2017, p. 48). Autrement dit, les réductions de cotisations ne sont efficaces qu’à hauteur de 10 % environ pour le maintien ou la création d’emplois.
[2] Comme les variations des prix de l’énergie, du taux de change de l’euro, etc.
[3] Y. L’Horty, P. Martin, T. Mayer, « Baisses de charges : stop ou encore ? », Les notes du conseil d’analyse économique, n° 49, janvier 2019.
[4] M. Husson, « Maigre bilan pour les baisses des cotisations », Alternatives Économiques, 6 février 2019.
[5] A. Garsaa, N. Levratto, « Exportations et exonérations, les deux vont-elles de pair ? Analyse empirique sur données individuelles d’entreprises françaises », op. cit.
[6] C. Carbonner, B. Palier, M. Zemmour, « Exonérations ou investissement social ? Une évaluation du coût d’opportunité de la stratégie française pour l’emploi », LIEPP Working Paper nº34, 2014.