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Idées Fausses : « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut baisser les impôts des entreprises » C’est faux !

Faux. Il n’y a pas de relation de cause à effet.

L’imposition des entreprises en France, si elle est supérieure à celle que l’on constate en moyenne en Europe, a diminué depuis les années 1980, de même qu’ailleurs en Europe. L’impôt sur les sociétés est passé d’environ 50 % jusqu’en 1985 à 33,33 % depuis 1993 et devrait baisser jusqu’à 25 % en 2022. Les petites et moyennes entreprises supportent des taux de cet ordre, alors que les grandes paient déjà des taux effectifs compris entre 15 et 25 % grâce à diverses possibilités de réductions fiscales[1].

La France n’est pas si mal placée que cela au niveau de la fiscalité appliquée aux entreprises. Le taux moyen effectif d’imposition des bénéfices est en 2009 de 28 % pour le Royaume-Uni, 31 % pour l’Allemagne, 34,4 % pour la France, 38,3 % pour les États-Unis et 40,8 % pour le Japon[2]. Mais l’assiette sur laquelle ce taux s’applique est plus étroite en France que dans d’autres pays ; comparer seulement les taux ne suffit pas.

Comme on l’a vu, les réductions d’impôts ne déterminent pas en priorité l’activité des entreprises et leurs projets d’embauches. Sur 800 PME interrogées en 2013 par l’assureur Euler Hermes, 80 % disent prévoir leurs projets en fonction de la demande à venir, 10 % en fonction de la fiscalité et 10 % en fonction des moyens de financement.

Le gouvernement français a lancé en 2013 une vaste politique de baisse d’impôts des entreprises avec le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui coûte aux finances publiques entre 15 et 25 milliards d’euros par an (de quoi faire passer au-dessus du seuil de pauvreté les huit à neuf millions de personnes qui se trouvent en-dessous – idée fausse 2). Or, « sur l’emploi, les travaux portant sur le CICE ont mis en évidence un impact très modeste », note en 2019 le Conseil d’analyse économique, qui précise que « les évaluations ne montrent pas d’effet positif sur les exportations des baisses de cotisations sociales sur les salaires au-dessus de 1,6 Smic, alors que cette politique (Pacte de responsabilité et CICE dans une large mesure) a été motivée essentiellement par un objectif de compétitivité.[3] »

Sur le plan de l’équité républicaine, on peut s’interroger sur le fait que les pouvoirs publics attendent de plus en plus de « contreparties » de la part des bénéficiaires de minimas sociaux (obligation de bénévolat, d’accepter une offre d’emploi, de justifier de démarches d’insertion, etc.), alors qu’ils ne demandent jamais de contreparties en termes de création d’emplois aux entreprises qui bénéficient du CICE. Les comités régionaux et national de suivi du CICE n’ont jamais réellement fonctionné[4].

[Article mis à jour en décembre 2019]

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[1] M. Pucci, B. Tinel, « Réductions d’impôts et dette publique : un lien à ne pas occulter », art. cit.

[2] « Rapport d’information sur l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés », présenté par J.-Y. Cousin et P. Forgues, Assemblée nationale, 1er février 2012.

[3] Y. L’Horty, P. Martin, T. Mayer, « Baisses de charges : stop ou encore ? », Les notes du conseil d’analyse économique, n° 49, 2019.

[4] L. Peillon, « Pourquoi aucune contrepartie des entreprises n’a été exigée en échange du CICE ? », www.liberation.fr, 27 février 2019 (consulté en août 2019).