
Point de vue d’Atd Quart Monde sur la réforme de l’adoption
Des propositions qui nous ont interrogés
Dans le rapport de Jean-Marie Colombani, l’auteur « repositionne l’adoption comme une des modalités de la protection de l’enfance ».
En devenant une des modalités de la protection de l’enfance, l’adoption permettrait d’accueillir un enfant confié à l’Aide sociale à l’enfance et délaissé par sa famille en utilisant l’article 350 du code civil (proposition 11).
Nos craintes sont renforcées par le discours de la Secrétaire d’État à la Famille Madame Morano, en date du 22 octobre 2008, affirmant que l’adoption des enfants en situation de délaissement parental ou pupilles de l’État serait facilitée. En faisant référence au nombre actuel d’enfants adoptables parmi les enfants confiés à l’ASE, elle parlait en ces termes de cette réforme :
«Pour améliorer ces chiffres, la procédure de déclaration de délaissement devrait être simplifiée » (réforme de l’article 350 du code civil) et « le Parquet pourra saisir le Tribunal pour remettre l’enfant dans le parcours d’adoption. »
L’absence de référence aux parents d’origine et aux capacités de résilience des enfants dans les discours des représentants de l’Etat orientent le regard sur l’adoption.
Un projet de loi relatif à l’adoption n° 317 qui pose question en particulier l’article 2.
Dans l’exposé des motifs nous pouvons lire :
– « Ce projet de loi traduit plusieurs objectifs, dont celui-ci : l’accélération de la résolution des situations de délaissement parental, par l’intervention du parquet et l’examen annuel de la situation de l’enfant placé. »
– « L’article 2 modifie l’article L.223-5 du code de l’action sociale et des familles pour préciser que le rapport annuel et pluridisciplinaire, établi par le service de l’aide sociale à l’enfance pour chaque enfant accueilli ou bénéficiant d’une mesure éducative, doit examiner la situation de l’enfant au regard des dispositions de l’article 350 du code civil. Ainsi, le service de l’aide sociale à l’enfance se prononcera au moins une fois par an sur l’éventualité d’une situation de désintérêt manifeste des parents. »
Dans le projet de loi :
L’article 2 stipule : « Le deuxième alinéa de l’article L.223-5 du code de l’action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée : Celui-ci porte notamment sur la situation de désintérêt manifeste des parents quand l’enfant est pris en charge au titre du 1° de l’article L.222-5 du présent code ou des articles 375-3, 375-5 et 377 du code civil ».
Pour nous, cette obligation annuelle d’évaluation sollicitée auprès de professionnels entraine un changement dans les orientations d’écriture du rapport pluridisciplinaire, et risque de provoquer un durcissement du regard porté par les professionnels sur les parents vivant avec plusieurs précarités.
Des arguments
Comment évaluer le « délaissement » ou « le désintérêt manifeste des parents » ?
– Le délaissement est une notion très subjective. Des critères « d’évaluation » ne peuvent pas rendre compte dans toute leur subtilité de la réalité des liens entre des parents et leurs enfants.
– Un délaissement apparent n’est pas forcément une volonté de délaissement, d’où la nécessité de réétudier les causes de « ce supposé » délaissement avant de décider de mettre un enfant dans le parcours d’adoption.
– Nous observons des causes de « délaissement » apparent, en réalité dû à :
-*des difficultés personnelles comme la honte, la culpabilité, la perte d’estime de soi… chez les parents d’enfants confiés à l’ASE et chez les parents vivant dans la grande précarité,
-*des difficultés familiales comme la maladie, la perte d’emploi, les conditions matérielles dues à la misère,
-*des droits de visite éloignés du domicile familial, parcimonieux et sans intimité,
-*un manque de soutien des professionnels dans la résolution des causes du placement.
Les dispositions en vigueur concernant le « délaissement parental » ne sont que trop coercitives. Nous souhaitons qu’elles ne soient pas aggravées.
L’article 350 du code civil a déjà été modifié en 2005, par suppression de la clause restrictive au jugement rendant l’enfant adoptable : « la grande détresse des parents ».
En 2005 (Sénat 20/6/05), l’amendement présenté par le Sénateur Bernard Seillier – auquel nous adhérons – a été refusé. Il s’agissait, par cet amendement, de s’assurer que toutes les dispositions en terme d’accompagnement des parents en situation de grande détresse aient été prises et utilisées. (Voir en annexe l’amendement)
Nos propositions :
Nous renouvelons la demande que le Tribunal de Grande Instance ou le Parquet s’assure que toutes les dispositions, dans le Code de l’action sociale et des familles, dans le Code civil et dans la loi du 5 mars 2007, concernant l’accompagnement des parents et la construction avec les parents « du projet pour l’enfant » confié à l’ASE, aient été prises. (voir en annexe : article L223-1 de la Loi du 5 Mars 2007)
Etant donnée la gravité de la décision à prendre et pour respecter le contradictoire, il est indispensable que l’avis des parents soit sollicité concernant le soutien qu’ils ont reçu pour maintenir les liens avec leur enfant pendant l’année du placement.
Nous suggérons qu’une Commission composée de professionnels et de personnes extérieures – si possible proches de la famille – statue sur la pertinence du constat de délaissement.
De même nous souhaitons que l’avis du mineur soit pris en compte. (article L223-4 de la loi du 5 mars 2007).
Dans son rapport, Jean-Marie Colombani « repositionne l’adoption comme une des modalités de la protection de l’enfance ». Ceci donne un autre sens et une autre fonction à l’adoption. C’est pourquoi nous souhaitons que Madame Morano réunisse la Conférence de consensus proposée dans ce rapport (P 76, Rapport Colombani).
Nous rappelons que la prévention doit être développée dans le sens d’une recherche de la promotion des familles, par l’effectivité de leurs droits fondamentaux.