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Placement d’enfants : « Un homme averti en vaut deux »

Quiconque se présente au guichet d’une administration en n’ayant aucune idée des droits qu’il pourrait avoir risque fort d’être très mal renseigné. Ne dit-on pas « un homme averti en vaut deux » ? Au-delà de l’accès à un droit, beaucoup d’entre nous et, a fortiori, les familles les plus précaires ignorent les attributions des institutions, leurs modes d’intervention et quel appui elles peuvent solliciter d’elles.

Les services sociaux du Conseil général ont pour rôle de favoriser l’accès aux droits des familles en difficulté ; mais la mission qui leur est essentiellement dévolue est la protection de l’enfance, ce qui fait peur aux familles qui préfèrent parfois se priver de leur aide.

Quand les enfants d’une famille sont placés, un référent de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) est missionné pour faire le lien entre la famille et les enfants placés. La moindre des exigences est que ce référent connaisse les enfants, mais aussi leurs parents. Malheureusement ce n’est pas toujours le cas, et l’histoire qui suit démontre comment un soutien amical, bienveillant et vigilant quant aux droits, donne force et autonomie aux familles pour se défendre.

Alisson et Kévin (22 et 26 ans) attendent un troisième enfant. Les aînés (3 et 5 ans) ont été placés, rendus puis replacés, ont donc connu plusieurs référents, mais la personne chargée de les suivre lors du dernier placement de leurs enfants n’a jamais rencontré la famille durant un an, ni dans son bureau ni à leur domicile.

Annie qui rencontre souvent cette famille raconte : « Avec Kévin et Alisson j’ai souvent évoqué cette situation qui m’indignait d’autant plus que les jeunes parents avaient beaucoup évolué, soutenus par une travailleuse familiale venant suite à la naissance du 3ème, et présente le weekend lors du retour des enfants. » Par ailleurs, la famille avait accédé à un logement beaucoup plus confortable, très bien aménagé et décoré. Alisson disait : « J’aimerais bien que mon référent voit mon nouveau logement car on m’a assez dit que mon ancien logement était dangereux pour mes enfants. C’était une des raisons du placement. »

La travailleuse familiale ayant le sentiment que ses rapports d’intervention n’étaient pas pris en compte par l’éducatrice savait bien qu’ils n’iraient jamais sur le bureau du juge. Elle avait alors pris la décision de les faire parvenir à la responsable du service.

Or en juillet dernier, la famille est convoquée devant le juge des enfants ; l’enjeu de cette audience est important : prolongation ou fi n du placement des deux grands. L’éducatrice, dans son rapport, demande la prolongation du placement pendant un an. Entendant cela, Alisson, par ailleurs plutôt timide, se lève d’un bond et dit : «Quoi ? Madame, vous ne nous connaissez pas ! vous ne nous avez jamais vus ! Et vous demandez le placement de nos enfants !? » Le juge fait confirmer ces propos à l’éducatrice qui essaie de s’en sortir en disant que la travailleuse familiale a constaté que les enfants jouent chez leurs parents aux jeux vidéo. L’avocat de la famille se saisit de cet argument pour persifler : « Si on plaçait tous les enfants qui jouent aux jeux vidéo, on manquerait de lieux de placement !».

Le juge décide une main levée du placement des enfants. Ils sont aussitôt rendus à leurs parents, avec une mesure d’Action éducative en milieu ouvert (AEMO).

Annie ajoute : «La Maman, son sang n’a fait qu’un tour ! jamais elle ne se serait levé comme ça si elle ne savait pas qu’elle était soutenue. Et surtout parce que j’avais fait toucher du doigt aux parents que l’attitude de l’éducatrice était incroyable : elle n’avait jamais cherché à connaître la famille qu’elle avait en charge. Peut-être que cette éducatrice était débordée, mais les parents et leurs enfants doivent-ils payer le prix fort ?»

Le groupe qui a soutenu cette famille a le sentiment d’avoir mis le doigt sur un dysfonctionnement de l’ASE et en l’occurrence rétabli le droit de vivre en famille.

Bravo à eux tous : Annie, l’avocat, la travailleuse familiale et ce couple assez fort pour aller jusqu’au bout. Ces parents ont eu les cartes en main pour se défendre avec honneur.