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 » Personne n’a vraiment réagi « 

C’était il y a deux ans, dans une école « tranquille » de Paris. J’avais dans ma classe un élève assez mal qui cherchait les limites, manquait de confiance en lui… J’en ai donc averti l’équipe, ai parlé de lui à la psychologue scolaire. Mais personne n’a vraiment réagi. La psychologue l’a pris en entretien mais elle est ensuite venue me dire, une journée où j’avais dû le tenir par le bras dans le couloir car il essayait de partir, qu’il n’y avait rien d’alarmant.

Toute l’année a été difficile. Je me suis attelée à essayer de l’aider à « grandir ». J’ai mis en place des contrats, je prenais du temps pour discuter avec lui, chercher des sanctions lui permettant de revenir facilement dans le groupe tout en ayant conscience du mauvais chemin de certaines conduites… J’ai vu la mère plusieurs fois à la sortie de l’école. Celle-ci était dépassée par la situation mais ne voulait pas tellement se faire aider (peur d’une démarche qu’elle ne connaissait pas ?… Elle avait peur par exemple qu’en voyant un psychologue, ceci soit marqué sur le livret de son fils et qu’il soit ensuite catalogué). De plus, la situation familiale semblait compliquée. J’ai quand même réussi à faire rentrer la maman dans l’école, la classe. Elle a même dansé avec moi à la fête de l’école !

Et dans les derniers jours de classe, ce garçon a donné un coup de pied dans le plexus d’une élève. Les pompiers sont venus… La mère, dépassée, s’est mise à être convaincue que nous étions racistes et que si son fils était comme ça c’est parce que nous étions trop sur son dos. Et j’ai eu l’équipe enseignante sur le dos qui m’a dit qu’il fallait le « virer », qu’on ne pouvait plus rien faire avec « ça ». J’en ai pleuré. Ils ont été d’une violence vis-à-vis de cet élève qui m’a vraiment énervé, alors qu’ils n’avaient rien fait pour éviter le pire. Résultat, ce garçon a été envoyé dans une autre école en septembre. Je l’ai recroisé un ou deux mois après son éviction, il avait pris beaucoup de kilos. Je ne sais pas si cela avait un lien avec son histoire scolaire mais cela m’a remué.

Tout ça pour dire que, dans une école où les cas difficiles sont finalement rares, il arrive que les enseignants – qui auraient les moyens de faire quelque chose – ne cherchent plus à travailler pour qu’un élève déviant aille mieux. Ils veulent faire disparaître la difficulté sans la régler. En effet, cette déviance nécessite des efforts, une recherche, elle implique une difficulté, parfois des échecs et donc un ressenti désagréable pour l’éducateur. Donc la faire disparaitre (en changeant les élèves d’école ou en mettant l’élève en fond de classe) est une solution privilégiée à la confrontation. Les enfants en échec, dans un groupe « performant », peuvent vite être oubliés.

Dans les écoles difficiles, où les enfants demandant de l’attention (par la violence ou l’échec scolaire) sont beaucoup plus nombreux, les enseignants sont souvent plus solidaires, cherchent plus à être inventifs pour parer à la violence, car on ne peut pas faire semblant de ne pas la voir. Malheureusement ils en ont beaucoup et l’aide est plus disséminée. Et parfois la sauce tourne mal et le cercle vicieux s’installe, le groupe classe plonge. Dans ce cas, tout le monde y perd.

En bref :

– l’élève en difficulté peut vite être abandonné par le système.

– l’école qui se ghettoïse (privé/public – zones géographiques, etc…) est le plus grand des dangers. C’est la mixité sociale, ethnique, culturelle… qui permet des ambiances de classe plus sereines, plus vertueuses.

– Il faut que l’enseignant trouve le bon équilibre dans son métier :

a/ ne pas oublier qu’il est là aussi et surtout pour les enfants en difficulté.

b/ savoir qu’il ne peut pas tout. Que son équipe peut l’aider, que l’équipe éducative peut être appelée en renfort. Que parfois cette équipe n’est pas suffisante et qu’il peut se retrouver seul face à l’élève (ou aux élèves) en difficulté…