Entrez votre recherche ci-dessous :

Les visages d’ATD Quart Monde – Paul Bouchet : un combat toujours actuel pour l’égale dignité de tous

Une cinquantaine de personnes se sont réunies le 20 juin au siège d’ATD Quart Monde, à Montreuil, pour réfléchir à la manière dont la pensée et les combats de son ancien président, Paul Bouchet, imprègne aujourd’hui le Mouvement.

« S’engager très concrètement face à l’inacceptable », tel était l’un des moteurs de Paul Bouchet, président d’ATD Quart Monde de 1998 à 2002, décédé le 25 mars dernier. Lors d’une soirée organisée par ATD Quart Monde le 20 juin, une cinquantaine de personnes ont ainsi pu découvrir ou redécouvrir les multiples combats de celui qui a été toute sa vie « un résistant », selon les mots de Pierre Saglio, ancien président du Mouvement de 2002 à 2010.

Son premier combat aux côté d’ATD Quart Monde fut celui pour la loi d’orientation contre les exclusions de 1998. Paul Bouchet « s’est battu pour inscrire ce qui fait le fondement éthique de ce texte, dans son article 1 : ‘La lutte contre les exclusions est un impératif national fondé sur le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains’ », a rappelé Pierre Saglio. Une lutte que Paul Bouchet n’a cessé de mener, comme il le rapportait dans son ouvrage, La misère hors la loi : « L’égale dignité s’oppose radicalement à toute prétention de hiérarchiser les êtres humains en sur-hommes ou sous-hommes. C’est bien la croyance en une dignité égale de tous les hommes qui différencie fondamentalement la démocratie au sens plein de tous les systèmes totalitaires. »

Pour Paul Bouchet, « la misère n’est pas seulement un objet de compassion, mais d’abord la violation du droit de l’homme le plus fondamental : le droit à la dignité. C’est d’abord ce droit-là que doit assumer la finalité de toute politique visant à abroger l’insupportable misère ». L’ancien président avait ainsi à cœur de faire en sorte qu’ATD Quart Monde « refuse se se laisser enfermer dans un combat catégoriel et soit un mouvement de lutte contre la pauvreté », a souligné Pierre Saglio. « Paul Bouchet nous a fait comprendre que nous sommes un Mouvement de l’égale dignité. C’est une mue profonde, inachevée, que nous devons approfondir. »

Droit pour toute famille d’élever dignement ses enfants

Parmi les nombreux combats de Paul Bouchet, Marie-Cécile Renoux, ancienne déléguée aux questions familiales au sein d’ATD Quart Monde, a détaillé son engagement pour la protection de la famille et de l’enfance. « Il a fallu un combat obstiné » pour que, le 1er septembre 2002, les parents d’enfants placés obtiennent enfin le droit de connaître le contenu du dossier les concernant, pour pouvoir se défendre. Celui qui fut également président de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme était en outre « révolté contre l’inacceptable : comment peut-on parler de carences éducatives quand une famille est à la rue ou dans un logement indigne ? » s’interrogeait-il.

« Le droit pour tout enfant de vivre en famille, comme celui de toute famille d’élever dignement ses enfants, ne peut être effectif que si la société toute entière en reconnaît le caractère fondamental et en garantit les conditions matérielles et morales. Il revient dès lors à chacun, quel que soit son rôle dans la société, de prendre pleine conscience du défi pour participer à ce combat essentiel », écrivait-il. Des réflexions « d’une actualité incroyable », selon la présidente d’ATD Quart Monde, Claire Hédon, et la déléguée générale du Mouvement, Isabelle Pypaert-Perrin, qui constatent des « reculs » un peu partout en Europe sur la question de la protection de l’enfance.

Arrêter la production de la misère

Pour faire en sorte que la lutte contre l’exclusion soit « une lutte concrète et non un bavardage humaniste », Paul Bouchet a par ailleurs accompagné le développement de la démarche du Croisement des savoirs et des pratiques, initiée et déposée par ATD Quart Monde. « Cela ouvrait, disait-il, un chemin de démocratie participative où on apprend ensemble à se connaître et à dialoguer, dans un esprit de partenariat, dans la reconnaissance et le respect mutuel », a expliqué Claude Ferrand, volontaire permanent.

Mais « un savoir, même co-construit, ne suffit pas, disait-il, s’il ne sert pas à une action de transformation sociale. Il nous rappelait qu’il ne suffit pas de mettre ensemble riches et pauvres pour lutter contre la pauvreté, mais de faire en sorte que chacun ait les moyens d’adhérer et de participer à une œuvre commune pour le bien commun », a-t-il rapporté. Pour Paul Bouchet, le Croisement des savoirs et des pratiques « devait introduire impérativement le croisement des pouvoirs et des vouloirs. C’est ce qu’il appelait la révolution copernicienne, dont nous avons besoin pour arrêter la production de la misère. »

L’ensemble des combats et des paroles de Paul Bouchet « doivent, encore aujourd’hui, nous secouer et nous remobiliser », afin de, sans cesse, « relever les courages abattus », selon ses propres mots.

 Julie Clair-Robelet