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Passer de la Convention aux actes !

Après une Journée mondiale du refus de la misère haute en couleur qui a permis l’expression des enfants aux quatre coins de la France, ATD Quart Monde continue à s’engager pour les droits de l’enfant à l’occasion du 30ème anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. Avec plus de 30 organisations, ONG et collectifs, ils publient le fruit d’un travail commun quant au respect effectif des droits des enfants. Ce 20 novembre, il sera remis officiellement à plusieurs décideurs politiques dans l’objectif d’orienter l’action gouvernementale et de rendre effectif les droits de l’enfant en France et dans le monde.

Un anniversaire en demi-teinte 

L’année 2019 marque le 30ème anniversaire de l’adoption de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE). Si les dates anniversaires sont bien souvent des occasions de célébration, celle-ci semble devoir également faire l’objet d’un bilan rétrospectif : pourquoi, alors que ce texte est l’un des plus ratifiés au monde, de nombreux droits de l’enfant peinent encore à être respectés, en France et dans le monde ?

L’actualité internationale nous donne au quotidien une myriade d’exemples des violations des droits des enfant. Mais qu’en est-il de l’Hexagone ? En France en effet, on dénombre une multitude de manquements à la bonne application des lois existantes, souvent dus à l’insuffisance des moyens financiers et humains. En dépit du fait que la thématique de l’enfance soit régulièrement portée à l’agenda politique gouvernemental, les réponses demeurent grandement insuffisantes et aucun gouvernement n’en a fait une priorité.

Un partenariat inter-associatif parlant d’une seule voix 

C’est ce bilan qu’ont précisément entrepris de dresser près de 35 associations, réunies pendant plusieurs mois au sein de la Dynamique de la Convention aux Actes. ATD Quart Monde a été partie prenante de cette dynamique. D’une seule voix, ces associations ont pointé le fossé entre les engagements des pays signataires et les droits effectifs des enfants. Sous cette bannière commune, elles ont rédigé ensemble 12 actes qui rassemblent 69 propositions, qui seront remis à plusieurs ministres à l’occasion d’une cérémonie, le 20 novembre 2019. Outre le constat, ces actes entendent surtout proposer des solutions concrètes . Ils sont le fruit d’une consultation préalable d’enfants et de jeunes et se déclinent en plusieurs thématiques : protection, éducation, justice, participation, gouvernance, précarité, santé et environnement.

Précarité et mal-logement : un fléau combattu par ATD Quart Monde

Parmi ces actes figure par exemple la question du mal logement. En théorie, chaque enfant a le droit de bénéficier d’une protection sociale et d’« un niveau de vie matériel suffisant à son développement ». Selon la CIDE, si les parents sont dans l’incapacité de l’assurer, c’est à l’État qu’incombe cette charge. Pourtant, en 2014, 17 000 appels au SAMU social impliquaient des enfants, soit près de la moitié des appels. Parmi ces enfants, la moitié avait moins de 3 ans. L’objectif proposé est d’atteindre, d’ici 2022, l’objectif de 0 enfant à la rue. Pour ce faire, plusieurs préconisations : ne pas remettre à la rue des familles sans relogement (par exemple les familles déboutées du droit d’asile dont les enfants ont moins de 3 ans), développer des lieux d’hébergement adaptés qui garantissent le respect de l’unité familiale, ou encore inciter les praticiens des hôpitaux à être vigilants face aux « sorties sèches » de maternité (pour les mères et leurs nouveaux-nés mal logés ou sans logement).

La parole aux enfants d’abord !

Une autre exigence souligne les manquements de participation des enfants. Alors qu’ils représentent près d’un quart de la population française, leur voix semble à peine audible. L’article 12 de la CIDE stipule pourtant que « l’enfant a le droit, dans toute question ou procédure le concernant […] de voir son opinion pris en considération ». Or, aujourd’hui les instances de participation enfantines sont souvent d’ordre purement consultatives ou encore trop homogènes socialement (Conseil de vie lycéenne, Conseil d’Enfant…). Elles disposent rarement d’un budget suffisant et sont régulièrement laissées à l’initiative des collectivités territoriales. Pourquoi ne pas associer véritablement les plus jeunes, premiers intéressés, à la co-construction, au suivi et à l’évaluation des politiques publiques qui les concernent ? ATD Quart Monde plaide depuis longtemps pour une participation des personnes en situation de grande pauvreté dans la confection des politiques publiques, en mettant en avant leur savoir propre. De la même manière, les enfants ont eux aussi des expertises d’usage et d’expérience. Pour cela, une des propositions serait de faire du Parlement des enfants une instance effective avec un budget propre et un droit de retour.


Cette prise en compte de la parole de l’enfant ou du jeune doit aussi se traduire dans d’autres institutions. Aujourd’hui, les professionnels de l’enfance sont pourtant peu voire pas formés à mettre en œuvre la participation des jeunes. Les actes préconisent ainsi par exemple de proposer des tutoriels en ligne aux structures accueillant des enfants pour les aider à mettre en œuvre un principe de participation. Enfin, dans l’institution judiciaire, les lois précisent qu’un enfant doté de discernement peut être entendu par un juge s’il en fait la demande. Pourtant, les juges aux affaires familiales sont en réalité frileux à entendre les enfants, dans les procédures de séparation des parents par exemple. Face à ce constat, il s’agirait d’allouer des moyens humains et financiers suffisants afin de garantir la possibilité pour chaque enfant d’être représenté en justice par un avocat pour que son intérêt supérieur soit réellement considéré.

A travers cet ambitieux travail de co-rédaction, plusieurs associations, collectifs et ONG se fédèrent donc autour d’un objectif commun : convaincre les pouvoirs publics de prendre des engagements forts et mobiliser l’opinion publique sur les enjeux du respect des droits de l’enfance. Il appartient désormais au gouvernement de passer de la « Convention » de papier, aux « actes » effectifs. Espérons qu’il saura s’emparer de ces solutions !

 

Selma Brahimi