Entrez votre recherche ci-dessous :

Partir en vacances, un droit pour tous

ATD Quart Monde se bat pour que ce droit soit effectif et lance une campagne « Partir pour repartir ». Les dons serviront notamment à financer la rénovation de sa Maison de Vacances Familiales de La Bise (Jura) où des personnes en grande précarité viennent se ressourcer.

« Partir pour repartir » : c’est le titre de la campagne d’appel aux dons qu’ATD Quart Monde lance en avril. Alors que le droit aux vacances pour tous patine, le Mouvement veut remettre un coup de projecteur dessus : les vacances sont un temps indispensable pour les personnes en grande précarité, une occasion unique de sortir de leur univers, de se retrouver en famille, de se poser et faire le plein d’énergie pour rebondir ensuite.

Trop souvent encore, on considère que les plus pauvres ont bien d’autres priorités – le logement, la santé, l’éducation des enfants… – et que partir en vacances est, pour eux, superflu. ATD Quart Monde, qui a lancé le « Réseau Vacances Combattre l’exclusion » (lire p.6) , le sait pourtant d’expérience : les vacances sont une chance de se reconstruire pour ces personnes fragilisées par la vie.

Depuis quarante ans, la Maison de Vacances Familiales La Bise, située à Mesnay (Jura), accueille des familles et des personnes isolées dont c’est souvent le premier départ. Elle a besoin d’importants travaux cette année, pour l’accès des personnes à mobilité réduite et aussi pour un plus grand confort. Les dons que vous ferez serviront notamment à les financer.

ATD Quart Monde aide aussi des personnes à partir en leur allouant des chèques vacances. Un complément qui couvre de 10 % à 80 % du coût du séjour, particulièrement précieux pour les personnes seules, exclues des aides aux départs réservées aux familles. Le Mouvement s’inquiète par ailleurs de la tendance à la baisse de ces aides et de la grande disparité suivant les territoires, une injustice qui s’ajoute à toutes celles subies par les personnes en situation de pauvreté.

Un moment clé pour se ressourcer

Familles, accompagnateurs, organisateurs.. Ils et elles disent l’importance de partir pour se reconstruire.

Zoulika, accueillie à La Bise

« J’ai été en vacances à La Bise en juin 2017. ATD m’a aidée avec des chèques vacances. J’ai participé mais on a pu étaler pour payer.

Une journée, les enfants de l’école sont venus à La Bise. On a fait de l’animation. J’ai raconté des histoires. C’est la première fois que j’ai fait ça. Ils en voulaient encore.

J’ai été aussi à l’activité tricot et à l’atelier bois – on a fabriqué un dessous de plat. Deux choses que je n’avais jamais faites avant.

Moi qui avais peur de voyager, de me perdre, de ne pas savoir expliquer aux gens, je me suis aperçue que c’était possible. J’habite Lyon et mes seuls voyages, c’était à Paris pour voir mes parents.

Mon plus beau souvenir à La Bise ? J’ai bien aimé voir le village et la nature. J’aime bien le matin quand on se lève et qu’on va se promener dans le parc. »

Pierre-Emmanuel, accueilli avec ses 2 enfants

 » J’ai fait un séjour à La Bise pendant les vacances de Toussaint 2017, avec ma fille de 13 ans, Eloane, et mon fils de 11 ans, Léandre. Ca s’est super bien passé. En plus, c’était en plein dans l’anniversaire de mon fils et on lui a fêté.

Je n’avais pas vu mes enfants depuis cinq ans. Ils sont placés et vivent dans le Jura d’où je suis originaire. Et moi je vis à Béziers. Je venais de récupérer mes droits de les voir. Ça nous a permis de passer un moment ensemble, de nous retrouver.

J’aurais eu mes enfants tout seul, je n’aurais pas trop su quoi faire. Là, on a fait des balades en forêt, on est allé voir des cascades. Je connais la région, j’étais super content de la découvrir avec mes enfants. Il y avait aussi des jeux familiaux sans gagnants ni perdants, des moments patinoires, un spectacle – ma fille a participé -, des marionnettes, une fanfare…

Les parents avaient aussi des moments à part, on a fait un album photo. On était avec 5 ou 6 familles, j’ai fait des rencontres. L’équipe d’accueillants était très à l’écoute. Ca m’a permis de me rapprocher de mes enfants, de re-dialoguer. C’étaient les premières vacances seul avec eux. Que du bonheur.  »

Hubert, cuisinier et accueillant à La Bise

 » Moi, en premier, c’est la rencontre. J’ai eu la chance de recevoir beaucoup de la vie alors que des gens ne reçoivent rien ou que des mauvaises choses. C’est bien de redonner. Dans l’échange entre accueillants et accueillis à La Bise, il y a quelque chose de très riche. En plus, rien que le décor naturel, c’est un lieu magique.

A un moment, on est tous à la même enseigne : des êtres humains qui vivent ensemble 8 ou 10 jours. Les vacances, ils en ont autant besoin que nous. Sinon, ils seraient dans des logements où ils regardent la télé toute la journée, grignotent des cochonneries. Ici, ils sortent de leur milieu. Quand ils repartent, souvent c’est difficile.

J’en suis à mon douzième séjour. Cette année, je me suis proposé pour aider à des travaux de démolition. Je peux aussi faire de la peinture. J’étais dans le bâtiment, j’ai le matériel.  »

Michel, animateur de jeux coopératifs

 » Lorsque je rencontre La Bise, je suis dans le montage de mon projet professionnel – animateur indépendant de jeux coopératifs. Ma démarche rentre en résonance avec le combat d’ATD par le fait d’accompagner chacun vers une meilleure connaissance de soi, de développer ses talents, de partager les savoirs et de tisser du lien social.

Comme accueillant à La Bise, j’ai partagé la vie commune avec les personnes accueillies. Une expérience très riche que je renouvellerai. En novembre 2017, j’ai rejoint la belle équipe du conseil d’administration des Amis de la Bise.  »

Claudine et Sabine, alliées d’ATD Quart Monde

 » Nous sommes parties à Camaret, en Bretagne, la dernière semaine de juillet 2017, avec trois familles de militants très actifs. Pour une, c’était le premier départ. Nous étions 17 au total.

Pourquoi Camaret ? Sabine appartient à une compagnie qui y organise un festival autour de la poésie. Un petit festival familial en lien avec nos actions – les spectacles en appartement, le festival des arts et des savoirs en août… Les familles ont ainsi retrouvé Juan, venu présenter son spectacle de marionnettes en appartement. Malgré le temps, elles se sont baignées et on a fait des balades.

Vivre ensemble ainsi, sur un pied d’égalité, cela renforce les liens d’amitié. On fait des choses ensemble, on apprend à mieux se connaître. Découvrir un autre paysage, ça donne confiance : à son retour, Cécile s’est engagée dans la bibliothèque de rue. Ces vacances ont en plus un prolongement : on monte un projet autour de l’expression artistique « .

Marc Pili, délégué général de Vacances Ouvertes

 » Nous faisons partie du  » Réseau Vacances-Combattre l’exclusion « . L’an dernier, nous avons accompagné 695 projets, soit 17 000 personnes.

S’il n’y avait que nous, les vacances seraient obligatoires ! La personne part pour être comme tout le monde, pour faire partie du corps social : c’est le vrai enjeu. Ce droit ne progresse plus, voire diminue, à cause du processus de précarisation. 9 millions de travailleurs pauvres n’arrivent pas à vivre avec ce qu’ils gagnent. Alors, les vacances

Quant à la perception du droit aux vacances, on assiste même à une régression. Les personnes en précarité ne s’autorisent pas à partir d’autant que la société leur dit :  » ceux qui ne travaillent pas n’ont pas droit à des vacances « . On a ainsi deux batailles à mener : l’accès de tous aux vacances et la bataille contre les préjugés.

Lorsque le gouvernement parle de pauvreté, les vacances ne sont pas abordées. C’est un oubli de l’accompagnement social. Or construire un projet de vacances, c’est aussi construire un projet de réussite. En partant, on réussit quelque chose, cela développe l’estime de soi. Mais des familles n’ont pas tous les codes culturels. C’est aussi un vrai projet d’inclusion sociale.  »

Focus sur

La Maison de Vacances Familiales La Bise…

C’est l’un des neuf projets pilotes d’ATD Quart Monde. Il s’agit de prouver que des gens en très grande difficulté peuvent réussir une première expérience de vacances. La Bise (Jura) accueille ainsi des familles ou des personnes seules en grande précarité. Les vacances leur permettent de casser un enfermement, de se redécouvrir avec leurs enfants, de souffler… La capacité d’accueil est limitée pour préserver une atmosphère familiale et conviviale, favorable à la rencontre et permettant une attention à chacun et chacune.

… et les travaux de rénovation

Le bâtiment sera rendu accessible aux personnes à mobilité réduite et plus confortable – changement du système de chauffage, isolation de l’aile nord… Le chantier va durer dix mois et La Bise ré-ouvrira au printemps 2019.

Le projet est porté par la Fondation ATD Quart Monde, par les architectes Bruno Godefroy et Sandrine Cartalier et par l’association  » Les Amis de la Bise « , en lien avec les collectivités locales. Les travaux sont confiés à des entreprises de l’économie solidaire (travail d’insertion, chantiers écoles…) .