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Paroles de chômeurs : « Créer des emplois décents est possible, si on se met au niveau des territoires »

Le collectif Pour la parole des chômeurs, dont fait partie ATD Quart Monde, publie mardi 25 janvier 2022 le livre blanc Paroles de chômeurs. Basé sur une enquête menée entre février et juin 2021 et le recueil de 270 témoignages, cet ouvrage souligne les faiblesses du système actuel de soutien aux chômeurs, l’indifférence de l’opinion publique, mais aussi les désirs et les capacités des personnes privées d’emploi.

« Le premier enseignement, c’est que tous les chômeurs que nous avons entendus sont tous des personnes actives. Ils n’ont absolument pas envie d’être assistés », affirme François Soulage, coordinateur des travaux du collectif Pour la parole des chômeurs, lors de la conférence de presse du 25 janvier. « L’assistanat n’existe que dans la tête de ceux qui n’ont jamais eu à activer leurs droits », ajoute Antonin Gregorio, directeur général de Territoires zéro chômeur de longue durée.

Les 20 associations à l’origine de ce livre blanc souhaitent donc avant tout « changer le regard sur le chômage et les personnes en recherche d’emploi ». Toutes regrettent que la question du chômage soit « assez peu évoquée » dans le débat électoral. Paroles de chômeurs a ainsi pour objectif de « permettre aux élus et aux candidats aux élections, et plus largement à chacune et chacun d’entre nous, de confronter nos préjugés » à l’expérience des personnes privées d’emploi.

Changer de regard

« Ce qu’a révélé cette enquête et ce qui ressort des 3 500 verbatims, c’est que ces personnes ont des capacités à travailler qu’on ne veut pas reconnaître. Elles ont le sentiment de ne pas être vraiment écoutées. Ceux qui les reçoivent savent trop souvent mieux qu’elles ce qui est bon pour elles », constate Paul Israël, pour le CCSC (Comité chrétien de solidarité avec les chômeurs). Il cite ainsi plusieurs paroles qui « disent bien la solitude, l’isolement, le sentiment d’inutilité qu’elles ressentent ».

« Quand on nous dit qu’il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi, c’est comme si on nous disait que c’est un choix d’être au chômage. Il faut aller à l’opposé de ces préjugés. Changer de regard est important pour la société », ajoute Chloé Corvée, présidente de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne).

« Manque massif d’emplois décents »

Les paroles recueillies aboutissent à neuf propositions pour faire avancer le droit à l’accompagnement et le droit à l’emploi. Jean-Christophe Sarrot, co-responsable du Réseau emploi-formation d’ATD Quart Monde, présente deux d’entre elles : « créer des emplois au plus près des personnes » et « adapter l’offre de formation aux réalités territoriales tout en tenant compte des aspirations des personnes ». Les personnes interrogées dressent en effet toutes le même constat : « on est face à un manque massif d’emplois décents », rapporte-t-il.

« Si on considère qu’il y a 300 000 offres d’emploi vacantes actuellement, cela ne règle pas le problème des 6 millions de personnes inscrites à Pôle emploi qui sont en demande d’emploi décent, sans compter toutes celles qui ne sont pas inscrites », explique-t-il. Il constate en outre que la récente réforme de l’assurance chômage « vise à mettre la pression sur les chercheurs d’emploi, pour qu’ils acceptent davantage les emplois précaires ».

« La bonne nouvelle, c’est que créer des emplois décents est possible, si on se met au niveau des territoires. La durabilité, l’utilité, la décence des emplois, ça se crée au niveau des territoires, pas à travers des politiques descendantes et technocratiques », ajoute Jean-Christophe Sarrot. Il invite à « tirer davantage d’enseignements des expérimentations menées dans le domaine de l’accompagnement et de la création d’emploi, dans une posture d’égalité avec les personnes privées d’emploi, qui sont aussi des penseurs de solutions ».

Faire face à l’urgence sociale et écologique

Jean-Christophe Sarrot estime en outre nécessaire de « mettre davantage de moyens, au niveau local, dans l’accompagnement à la formation et les expérimentations », telles que Territoires zéro chômeur de longue durée. Il estime que « pour faire face à l’urgence sociale et écologique, il faut créer un million d’emplois dans les mois qui viennent. C’est un investissement qui va permettre d’améliorer l’emploi, de redynamiser les territoires, de recréer du lien social ».

Les propositions vont désormais être soumises par les associations aux candidats aux élections présidentielle et législatives. Si les paroles de ces personnes privées d’emploi ne sont pas entendues, « on ne pourra plus parler d’invisibles, mais désormais d’ignorées », conclut Laurent Grandguillaume, président de Territoires zéro chômeur de longue durée.

Retrouvez ici le livre blanc Paroles de chômeurs