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Pacte du Pouvoir de Vivre : «  L’objectif, c’est de faire une société qui n’oublie personne »

Mardi 15 mars, dans le cadre de la campagne du Pacte du Pouvoir de Vivre, des associations aux vocations multiples, mais aux valeurs communes se sont rassemblées au Centre Culturel Communal Charlie Chaplin de Vaulx-en-Velin pour, à la veille de l’élection présidentielle, interpeller les candidats et parler des sujets qui tiennent à cœur les électeurs, notamment les plus pauvres d’entre eux. Des membres d’ATD Quart Monde en Auvergne-Rhône-Alpes nous racontent cette soirée.

Le Pacte du Pouvoir de Vivre, c’est un collectif de 66 associations, décidées à faire bouger la société et les politiques et à faire entendre leur voix, ainsi que celle de leurs adhérents au service desquels elles œuvrent, que ce soit dans le social ou autour des préoccupations écologiques.

ATD Quart Monde s’y est engagé pleinement comme membre fondateur. Notre région y était bien représentée, tant par ses membres, nombreux à se retrouver autour de notre stand que par l’intervention de la présidente du Mouvement, Marie-Aleth Grard, au cours de la table ronde qui a clôturé la journée. Elle s’est déroulée autour de trois thèmes abordés successivement et sous divers angles. Des personnalités comme Christophe Robert (Fondation Abbé Pierre), Eric Chenut (Mutualité Française), Jean Merckaert (Secours Catholique), Laurent Berger (CFDT), Cécile Duflot (Oxfam), Najat Vallaud-Belkacem (One France), Amandine Lebreton (Fondation pour la nature et l’homme) ont apporté leurs points de vue et leur expertise. C’est dans le cadre du thème « Repenser nos solidarités, Vivre dignement » que Marie-Aleth Grard a été interrogée dès le début de la table ronde.

Pour un véritable engagement de l’État en faveur des personnes éligibles au RSA

Quelques jours avant la publication du programme d’Emmanuel Macron, et dans le sillage des propositions controversées de Valérie Pécresse, le sujet du RSA est sur le devant de la scène et fait l’objet de la première question adressée à Marie-Aleth Grard. Pour le Pacte du Pouvoir de Vivre, il s’agit de revaloriser les minimas sociaux et de mettre en place un revenu minimum garanti. Mais à quel montant celui-ci serait-il efficace et pourquoi le rendre automatique ?

Les associations du Pacte du Pouvoir de Vivre estiment que ce revenu minimum garanti devrait être la moitié des revenus médians, soit 850 € par mois. Quant à l’automaticité d’un tel revenu, la présidente d’ATD Quart Monde est très ferme. « Nous sommes tous très satisfaits de la mise en place du prélèvement de l’impôt à la source. Cela simplifie bien des démarches et cela prouve que techniquement, l’État connaît très précisément quels sont nos revenus. Pourquoi ne serait-il pas capable de verser le RSA directement aux personnes qui y ont droit, sans qu’elles soient contraintes de remplir des papiers et encore des papiers (près de 12 pages A4) ainsi que de répondre à toute sorte de questions très intrusives ? L’automaticité du versement du RSA est une évidence : les 35 % des personnes éligibles au RSA qui ne le réclament pas, parce qu’on leur pose trop de questions, parce qu’en plus de la galère, on leur demande sans arrêt de se justifier, pourraient enfin le recevoir ! Ce serait alors un véritable engagement de l’État en leur faveur ! »

« Surveiller les plus pauvres de manière invraisemblable ! »

« Dans notre pays, on a pris l’habitude de poser des questions sur leur vie privée aux personnes les plus démunies, à celles qui sont dans des situations extrêmement difficiles, alors qu’on n’imaginerait même pas les poser à celles qui ne traversent pas de telles galères. Pourquoi, alors que vous êtes dans la panade, vous devriez sans cesse raconter votre vie à tout le monde et vous justifier de tout ?« , souligne-t-elle.

Marie-Aleth Grard poursuit : « Prenons l’exemple du RSA. Comme on déduit sans cesse telle ou telle autre allocation ou le moindre revenu touché exceptionnellement, l’allocation logement, les 50 € ou 100 € que vous versent un ami, un frère, un cousin pour vous aider, ces montants sont déduits de votre RSA le mois suivant, parce que dans notre pays, on a pris l’habitude de surveiller les plus pauvres de manière invraisemblable ! Ce qui fait que vous ne touchez jamais le montant de base du RSA ! »

« L’objectif n’est pas de faire de l’assistanat mais de faire société ensemble»

Certains évoquent une société d’assistanat. Emmanuel Macron et Valérie Pécresse dans leur programme prévoient d’exiger une « contrepartie » au RSA : 15 heures de bénévolat par mois. Comment imaginer cela ? « Avec un RSA, dans notre pays, on ne vit pas, on survit ! L’exemple du premier confinement est dans toutes les mémoires. Les personnes au RSA n’ont pas tenu un mois, elles ont bien été obligées de compter sur les centres de distribution alimentaires pour survivre, et les files se sont allongées ! Dans notre pays, il y a 9,3 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté et 3 millions dans la grande pauvreté. L’objectif n’est pas de faire de l’assistanat mais de faire société ensemble. De faire une société qui n’oublie personne. De bâtir une société ensemble. »

Après diverses interventions relatives au logement ou à la santé, vient le temps des questions. Un doigt se lève et une militante Quart Monde, Françoise, avec beaucoup d’émotion, a le courage de prendre la parole. Depuis plusieurs mois, depuis le départ de sa mère en Ehpad et son décès, elle est à la rue et ne voit pas le bout du tunnel.

Françoise s’interroge et interroge les intervenants : « On ne voit pas d’évolution au niveau de la crise sociale, au niveau de la loi Dalo… Quand ça fait des années que ça dure, comment on fait pour sortir de ça ? »

Prendre des forces ensemble pour faire respecter les droits de chacun

Il s’agit de prendre des forces ensemble pour faire respecter les droits de chacun. Il y a un gros souci dans le domaine du logement : plus de 4 millions de personnes sont mal logées ou à la rue. Nous devons continuer de ne pas accepter que 35% de personnes qui pourraient bénéficier du RSA n’osent pas le demander. Avoir un revenu minimum qui permette de vivre dignement est une proposition essentielle du Pacte du Pouvoir de Vivre.

Marie-Aleth Grard cite alors René, militant Quart Monde : « L’insécurité pour nous, c’est de ne pas avoir un travail où l’on est traité dignement, ne pas avoir un logement adapté, ou l’assurance que nos enfants seront bien suivis à l’école ». Dans de tels propos, on le voit bien, le mot « insécurité » n’a pas du tout le sens que lui donnent actuellement l’État ou les candidats à l’élection présidentielle !

Une question d’un aide-soignant à la retraite, évoquant les personnes qui ne vont plus se soigner, à cause des déserts médicaux de notre pays ou du manque de contact humain, donne l’occasion à la présidente d’ATD Quart Monde d’évoquer les conséquences de la crise du Covid. Éléonore Clerc et Marie-Charlotte Potton

 

Photo : Réunion du Pacte du Pouvoir de Vivre le 15 mars à Vaulx-en-Velin © Marie-Aleth Grard