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OSEE : le bilan d’une année de formation préqualifiante

Les 23 stagiaires de l’expérimentation OSEE se sont retrouvés une dernière fois à ATD Quart Monde, à Montreuil, le 12 mai, pour faire le bilan de cette année riche en découvertes, en projets, mais aussi porteuse de doutes et de frustration parfois. Tous ont pu partager leurs difficultés et les besoins auxquels ils ont dû faire face, et prendre un temps de réflexion sur les progrès effectués depuis un an. Un bilan utile pour envisager le lancement d’une deuxième promotion en 2022.

Lorsqu’ils se sont engagés dans l’expérimentation OSEE (Osons les savoirs d’expérience d’exclusion), début 2020, les 23 premiers stagiaires et l’équipe projet les accompagnant n’imaginaient pas vivre une telle année. « On a tout eu : le Covid, le changement de partenaire, les problèmes de garde d’enfant, de transport, d’informatique… C’était une sacrée année », s’exclame l’une des stagiaires. Tous avouent qu’ils ont « parfois eu des doutes et l’envie de tout abandonner » et s’étonnent presque d’être là, un an après, pour dresser le bilan.

Deux d’entre eux savent déjà qu’ils ont atteint leur but et ont d’ores et déjà intégré une formation qualifiante dans les domaines de l’intervention ou de l’animation sociales. Une dizaine d’autres vont bientôt en commencer une, attendent encore des résultats ou doivent désormais s’inscrire dans le centre de formation de leur choix. Parmi le groupe des 25 jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville de Seine-Saint-Denis, ayant rejoint la formation OSEE en septembre 2020, une dizaine va également rejoindre une formation qualifiante en septembre. Leur période de formation pré-qualifiante n’étant pas encore terminé, ces stagiaires effectueront pour leur part leur bilan le 15 juin.

« J’ai pris cette formation comme une aventure »

Cette journée de bilan leur a permis de se souvenir de leurs craintes du départ. « Au début, je me suis dit : ‘je n’en suis pas capable’ », « je pensais que j’y arriverais jamais », « j’avais peur de passer le Cléa (Certificat de connaissances et de compétences professionnelles)« , « c’était un petit rêve que j’avais enfoui dans ma tête, parce que, quand on a vécu la précarité, on a du mal à se dire qu’on peut réussir dans le social », expriment-ils. Ces stagiaires âgés de 26 à 60 ans avaient tous en commun d’avoir de nombreux engagements associatifs et une pratique du Croisement des savoirs et des pratiques. Au cours de leur vie, ils ont également tous connu des situations de pauvreté, ils ont quitté le système scolaire sans diplôme et n’exercent pas d’emploi régulier à plein temps.

Cette année de formation avait pour but de leur apprendre à valoriser leurs compétences acquises au cours de leurs expériences du vécu de l’exclusion et de leurs engagements associatifs. Il s’agissait aussi de leur permettre de se mettre à niveau et de mieux connaître les métiers qu’ils souhaitent exercer. Le Covid ne leur a pas facilité la tâche : certains ont dû apprendre à « devenir copain avec le clavier » et à suivre de longues heures de cours en visioconférence ; les stages ont souvent été annulés et les enquêtes réalisées auprès des professionnels ont été difficiles à réaliser.

Mais ils ne se sont pas découragés : « Ça m’a permis d’avancer sur mon projet professionnel. J’ai pris cette formation comme une aventure. J’ai gagné en autonomie, en confiance en moi. J’ai appris à dépasser mes limites, à me défendre. Maintenant, je suis capable de prendre les transports parisiens. Je me suis sentie exister et vivante », constate une stagiaire. « La formation m’a permis de prendre confiance en moi. Je vais continuer les cours, parce que la remise à niveau, ce n’est pas encore ça », souligne une autre.

Un soutien important

Alors que certains ont arrêté l’école en CM2, les enseignements dispensés par le Greta MTE 93, établissement public de formation continue des adultes de Seine-Saint-Denis, leur ont permis de mieux cerner leurs difficultés et leurs acquis. « J’espérais aller jusqu’au bout de mon rêve, avoir une qualification, comme un genre de récompense. Malheureusement, ce n’est pas encore le cas. J’ai encore du chemin à faire, à progresser notamment au niveau de l’écriture », indique une stagiaire.

L’ensemble des stagiaires pointent l’importance du soutien qu’ils ont reçu de la part des membres du projet OSEE, à ATD Quart Monde, mais aussi de leurs familles et amis. « Sans ces personnes, je n’aurais pas pu faire cette formation », affirme l’une des militants Quart Monde.

Bilan des « personnes ressources »

Un accompagnement personnalisé par une « personne ressource » a également permis de lever certains freins. Ces personnes ont elles aussi présenté le bilan de leur année. Plusieurs d’entre elles ont regretté « le flou » qui entourait leur mission, entre soutien moral et soutien pédagogique. « Ça a été assez compliqué de savoir où se situer, à quel moment on intervient ou pas et comment se faisait la complémentarité », avec l’organisme de formation. « Je ne suis pas du tout du milieu social, donc je ne connaissais rien des formations que les stagiaires envisageaient », souligne l’un des accompagnateurs. « J’ai ressenti le besoin d’avoir déjà un réseau bien établi dans le domaine du social pour pouvoir aider le stagiaire à faire son choix de métier, chercher des stages, une formation, un emploi », explique un autre. Dans certaines régions, plusieurs « personnes ressources » ont accompagné plusieurs stagiaires et ce travail en équipe semble avoir été bénéfique.

Des difficultés ont vu le jour au cours de l’année concernant notamment la rémunération en tant que stagiaire de la formation professionnelle avec Pôle emploi. « On a pas mal galéré avec nos interlocuteurs administratifs. Je finissais par ne rien comprendre à rien sur l’organisation juridique et financière. Il faut, dès le départ, que ce soit beaucoup plus clair. Par exemple sur les rémunérations, les changements de statut… », explique une « personne ressource ».

Le manque de centres de formation ou d’offres de stage dans certaines régions et pour certaines filières inquiètent en outre des participants. « Certaines formations que les stagiaires souhaitent faire ne sont pas dans la région. Donc, on est en train de susciter des espoirs qu’on va peut-être avoir beaucoup de mal à réaliser, c’est ce qui m’inquiète. Je ne veux pas que les stagiaires soient déçus », affirme une accompagnante.

Toutes les « personnes ressources » saluent cependant « la ténacité et l’envie de bosser des stagiaires, malgré les conditions » et se réjouissent d’avoir pu participer à cette première « formation expérimentale ». « On a construit ensemble une manière de collaborer qui nous convenait, basée sur la régularité, l’exigence et la confiance mutuelle. On a avancé en partant des besoins de chacun. Je suis admirative de leur persévérance, leur disponibilité et de leur engagement », précise une « personne ressource ».

Nouvelle promotion en 2022

Quelques améliorations sont donc désormais nécessaires pour que l’expérimentation se poursuive dans de bonnes conditions et qu’une seconde promotion de stagiaires commence en janvier 2022. « C’est vraiment très important qu’on apprenne de cette année et qu’on essaye de faire bouger la société, pour qu’elle reconnaisse beaucoup mieux la compétence des gens qui sont, au quotidien, dans des situations difficiles et qui s’engagent pour les autres, notamment dans les métiers du travail social, de l’accompagnement, du lien entre les personnes », rappelle Paul Maréchal, délégué national d’ATD Quart Monde.

Le Mouvement souhaite aujourd’hui plus que jamais permettre cette valorisation des acquis de l’expérience, car  « cela fait des années que ça nous révolte : tous les gens qui cheminent au sein d’associations, s’engagent dans leur quartier, sont engagées tous les jours dans la lutte contre l’exclusion et n’arrivent pas à faire reconnaître leurs compétences acquises et leur savoir-faire », conclut-il.