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Idées fausses : « On ne pourra jamais trouver du travail pour tout le monde » Peut-être, mais…

Peut-être. Mais il est possible de faire beaucoup mieux qu’actuellement en créant des emplois répondant à des besoins non satisfaits.

Il est globalement rentable de créer des emplois répondant à des besoins non couverts sur un territoire. Dans le livre qu’il a dirigé, Chômage : nous accusons ! (1), Jacques Nikonoff présente une étude menée en 1995 dans la vallée de la Drôme. Sur ce territoire de 30 000 habitants se trouvent alors 3 135 chercheurs d’emploi. Une enquête révèle un potentiel de création d’emplois utiles de 430 à 860, dont 200 à 350 dans des services aux particuliers, 120 à 200 dans des entreprises qui réduiraient leur temps de travail, 30 au sein d’associations, 80 à 250 dans des services publics (santé, environnement, aménagement, tourisme…). Le coût direct du chômage dans cette vallée est de 324 millions de francs chaque année, soit 103 000 francs par chercheur d’emploi. Cette somme pourrait être utilisée pour payer un salaire à chaque personne privée d’emploi dans la vallée, à condition de modifier certaines règles économiques afin de permettre la réallocation des dépenses de gestion du chômage au financement de l’emploi.

Le Conseil national de l’insertion par l’activité économique (CNIAE) a montré en 2009 dans une autre étude(2) qu’investir dans la création d’emplois aidés était économiquement rentable pour la collectivité nationale. Voici le calcul effectué sur trois territoires étudiés (Pays de la Loire, Aquitaine et Franche-Comté) :

Apport économique des emplois aidés à la collectivité nationale

tableau emplois aidés idées fausses

« Pour l’économie marchande locale, note également ce rapport, les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) des trois régions considérées captent un flux économique de 171 millions d’euros de chiffre d’affaires pour exercer leur activité, mais en contrepartie elles injectent dans l’économie locale pas moins de 204 millions d’euros au travers des salaires nets qu’elles versent à leurs salariés et des achats qu’elles font aux entreprises de leur territoire. » Soit un gain de 33 millions d’euros pour les territoires.

L’Union régionale de l’activité par l’insertion économique du Nord-Pas-de-Calais a également montré qu’1 euro investi dans ce secteur rapportait 2 à 3,50 euros à  la collectivité (4).

Ces tentatives d’évaluation de l’impact de l’insertion par l’activité économique sont souvent contestées sur deux points : « D’une part, elles laissent de côté les effets sur des entreprises concurrentes des SIAE et dont l’activité est potentiellement entravée, voire diminuée par l’intervention des structures d’IAE qui bénéficient d’importants financements publics » et « d’autre part, elles négligent la question de l’impact sur l’économie du financement de l’IAE (1,2 milliard d’euros), voire d’une utilisation alternative des fonds publics ainsi mobilisés (5). » Mais ces deux objections prennent-elles en compte le surcroît d’activité que l’IAE apporte directement (achats) et indirectement (par la consommation) aux entreprises concurrentes ? Considèrent-elles les aides diverses (aides à l’emploi, réductions fiscales) dont ces dernières bénéficient, elles aussi, de la part de l’État et des collectivités, dont 22,2 milliards d’euros de réductions annuelles de cotisations sur les bas salaires ?

Les comparaisons coûts/recettes que nous reproduisons plus haut illustrent l’intérêt théorique de telles solutions. Elles ne signifient pas que les ressources sur un poste (par exemple les charges patronales) peuvent directement financer les dépenses sur un autre (par exemple les subventions), car elles n’obéissent pas au principe des vases communicants. Une étape  à franchir pour trouver de nouvelles réponses au chômage de longue durée consisterait à réattribuer les ressources en dépassant les fonctionnements administratifs habituels, dans le cadre du droit d’expérimentation que possèdent les collectivités territoriales depuis 2003. Pour créer des emplois durables, ces propositions doivent émaner d’une volonté forte des citoyens et des acteurs locaux, à la hauteur du redoutable défi que représente le chômage de longue durée.

Retrouvez les arguments pour déconstruire plus de 100 idées reçues dans le livre En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté (5 euros).