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« On a ouvert nos prestations de solidarité au monde entier ». Faux !

Les candidats d’extrême droite veulent réserver l’essentiel des prestations sociales non contributives aux seuls Français, dans l’objectif de soulager les finances publiques et de décourager les étrangers de s’installer dans l’Hexagone. Sauf que…

De quoi parle-t-on ?

Le RSA, accessible aux personnes âgées de plus de 25 ans, n’est accordé aux étrangers (hors Union européenne) qu’à la condition d’avoir, depuis au moins cinq ans, un titre de séjour permettant de travailler en France, d’avoir le statut de réfugié ou d’être titulaire de la carte de résident. Il faut, en outre, que cette résidence soit « stable et effective », c’est à dire plus de neuf mois par an.

Une famille étrangère en situation régulière peut aussi prétendre à des prestations familiales, mais à condition d’avoir des enfants vivant auprès des parents et à leur charge. Les enfants doivent être nés en France, être venus dans le cadre du regroupement familial ou avoir un parent reconnu réfugié.

Les étrangers en situation régulière sont également éligibles aux aides au logement sous condition de ressources.

Contrairement aux réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière ne sont éligibles ni à une allocation familiale ni au revenu de solidarité active.

Ils peuvent néanmoins bénéficier de l’Aide aux demandeurs d’asile (ADA) dont le montant varie en fonction de la composition familiale et des ressources. Elle s’élève à un forfait de 6,80 euros par jour pour une personne seule sans enfant, soit 206,83 euros par mois (+3,40 euros par jour par personne supplémentaire dans la famille). Un supplément de 7,40 euros par jour par adulte vient s’y ajouter lorsque le demandeur de l’ADA a accepté l’offre de prise en charge, manifesté un besoin d’hébergement mais n’y a pas accès. Précisons que le processus d’allocation n’est pas automatique et  des personnes pourtant couvertes par la convention de Genève, car en demande de protection, doivent patienter pour y accéder. Par ailleurs, un refus d’hébergement d’urgence entraîne la perte des droits à l’allocation.

Les personnes en situation irrégulière depuis plus de trois mois et dont les ressources ne dépassent pas un certain plafond ont par ailleurs le droit à un dispositif d’accès aux soins spécifique : l’Aide Médicale d’État (AME). Elle donne droit à la prise en charge de 100 % des soins dans la limite des tarifs de base de la Sécurité sociale, ce qui peut laisser un reste à charge conséquent pour le bénéficiaire.   Singularité du dispositif, l’AME n’est pas accessible à Mayotte. Les bénéficiaires de l’AME ne peuvent pas accéder à tous les soins et doivent, pour d’autres, respecter des délais de carence, ce qui se traduit in fine par un taux de non recours de plus de 50 %.

Selon les chiffres de la Dress, fin 2020, 103 900 personnes sont allocataires de l’ADA et environ 80 % sont des personnes seules. Selon un rapport parlementaire, son coût représentait 500 millions d’euros en 2020. Côté AME, 383 000 étrangers ont bénéficié en 2020 pour un coût d’environ 900 millions d’euros, soit 0,5 % des dépenses de santé prises en charge par l’Assurance maladie.

Combien cela coûte ?

Fin 2019, 4,30 millions de personnes étaient allocataires de l’un des minima sociaux en vigueur en France, un chiffre en augmentation (+1,2 %) par rapport à fin 2018. En incluant les conjoints et les personnes à charge, 6,9 millions de personnes sont couvertes par les minima sociaux fin 2019, soit 10 % de la population. En 2019, cela représentait une dépense de 28,3 milliards d’euros, d’après les chiffres publiés par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.

Par ailleurs, 6,5 millions de foyers bénéficient d’une aide au logement et 6,7 millions de personnes d’une prestation familiale, représentant respectivement 15,8 milliards pour les aides au logement dans le budget 2022 et 12,8 milliards pour les allocations familiales dans les comptes de la Sécurité sociale.

Tous bénéficiaires confondus, ces prestations représentent donc environ 57 milliards d’euros.

Des extrapolations contestables et contestées

Lorsque un candidat parle de « 20 milliards d’économies » en avançant de telles mesures de préférence nationale en matière de prestations sociales, il sous-entend donc que les non-Européens capteraient près de 35 % de ces prestations. En réalité, l’ensemble des étrangers, Européens et extra-Européens, perçoivent seulement 13 % du montant total des prestations, selon la CNAF.

Sur la totalité des prestations versées sur l’année 2019, les aides en faveur des étrangers (européens ou extra-communautaires) correspondent à 9 milliards d’euros. Une somme qui regroupe la totalité des aides familiales, des allocations logement, du RSA, et qui comprend même l’allocation pour les adultes handicapés et ses compléments. En y ajoutant les 1,2 milliard d’euros pour le minimum vieillesse, on arrive à un total de 10,2 milliards d’euros.

Des propositions qui contreviennent à la loi

Celles et ceux qui souhaiteraient réserver l’essentiel des prestations sociales non contributives aux seuls Français se heurtent au droit constitutionnel, selon laquelle la solidarité n’a jamais été « nationale » au sens où elle exclurait d’emblée les étrangers ; il s’agit de la solidarité de la nation à l’égard de tout résident en France face aux risques sociaux. Elle trouve son assise dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui consacre le principe d’égalité, et le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui dispose que « tout être humain » en incapacité de travailler en raison de son âge, de sa condition ou de la situation économique « a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».

Les partisans d’une exclusion omettent par ailleurs de rappeler que les étrangers contribuent au système social, soit par leur travail (les cotisations financent deux tiers des prestations familiales), soit par l’impôt (qui abonde les minima sociaux). Les travaux existants sur la contribution nette des immigrés (nés étrangers à l’étranger) convergent vers le même résultat : excédentaire, selon un récent rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou neutre, selon une équipe d’économistes du Centre d’études prospectives et d’informations (Cepii).

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