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Noureddine Zouaoui, le théâtre contre les préjugés #pauvrophobie

Il a été à l’origine de la pièce  » Salauds d’pauvres  » qui sera jouée chaque 17 octobre. Il fait désormais du théâtre-forum et s’engage au côté des migrants.

Grand et baraqué, avec sa perruque platine hirsute, Noureddine Zouaoui est impayable quand il joue la mégère qui déblatère contre les pauvres. Comme lui, toute la troupe de comédiens amateurs illustre sur un ton burlesque la bêtise des préjugés –  » Ils ne veulent pas travailler « ,  » Ils gagnent mieux au RSA qu’au SMIC « …

Noureddine Zouaoui, 62 ans, travailleur social à l’époque, aujourd’hui à la retraite, a été au coeur de l’aventure  » Salauds d’pauvres « , une pièce inspirée du livre  » En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté « . Après avoir tourné un an et demi, la troupe a décidé d’arrêter à l’issue de sa dix-huitième représentation le 16 octobre 2016 à Paris, où elle s’était produite à l’occasion de la Journée mondiale de refus de la misère.

 » Cela a été une super aventure humaine, souligne-t-il, durant deux ans, on a formé une équipe soudée. Avec la pièce, on a dit à un public plus large que les militants habituels : « Réfléchissez, lisez ce livre, la réalité est là « . Moi qui ai beaucoup milité, j’accorde maintenant plus d’importance aux actions culturelles qui unissent.  »

Hasard

La rencontre de Noureddine Zouaoui avec ATD Quart Monde en février 2014 relève du hasard. Vivant à Ganges (Hérault), il est alors référent de personnes au RSA (revenu de solidarité active) et participe à Montpellier à une réunion des centres sociaux sur le pouvoir d’agir des habitants. Deux membres du Mouvement y présentent la campagne contre les préjugés et le livre  » En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté « .

 » J’ai tout de suite trouvé l’argumentaire très fort, explique Noureddine, j’ai eu envie de faire quelque chose. » C’est en rentrant chez lui que l’idée lui vient : pourquoi pas une pièce de théâtre ? « Au début des années 70, j’en avais écrites pour une MJC (maison des jeune et de la culture) « , explique cet homme qui reconnaît  » avoir touché à tout « .

Marchés

Noureddine Zouaoui est arrivé de Tunisie en 1973, à 19 ans, pour terminer ses études à la fac de Caen (Calvados). Il s’installe à Boulogne-sur-mer (Pas-de-Calais) où il est animateur socioculturel. Puis il rejoint une compagnie de transports maritimes, dans les services administratifs. Il s’occupera ensuite de l’accompagnement des voyageurs et du suivi des cargaisons.

Noureddine est aussi un homme engagé. Il sera délégué syndical CGT, secrétaire de la Ligue des droits de l’homme à Boulogne-sur-mer et responsable régional de SOS Racisme.

 » J’en avais marre du commercial « : en 1994, il décide de partir dans les Cévennes, avec le projet de créer une ferme pédagogique. Mais cela tombe à l’eau. Il travaille alors un an et demi sur les marchés : « Je vendais du couscous et des produits asiatiques, je livrais des mariages.  »

C’est en 1996 qu’il entre au centre socioculturel où il va travailler jusqu’à sa retraite fin 2015. Il est d’abord chargé du secteur Adolescents :  » Je me suis régalé, j’ai fait de l’interculturel, développé les échanges internationaux.  » Puis il devient conseiller en insertion.

Le débat après Salauds-d’pauvres à Paris le 15 octobre 2016 (ph. F. Phliponeau)

Montagnes

Quand il y croit, Noureddine peut déplacer des montagnes. Très vite, en 2014, il entraîne tout un groupe autour du projet  » Salauds d’pauvres « . Véronique Coirre, une amie, accepte de mettre en scène. L’idée de départ est de ne faire jouer que des allocataires des minima sociaux.

Les ateliers commencent en septembre 2014. La règle est de coller au texte du livre d’ATD Quart Monde et que chacun participe à l’écriture de la pièce. Il y a 35 personnes au départ. Après la Toussaint, elles sont 13 – la future troupe. La moitié est aux minima sociaux ou au chômage. Les autres viennent d’horizons divers : travailleurs sociaux, un médecin employé dans une association, un rentier qui a connu la galère avant de toucher un héritage…

Le 16 octobre 2016, la troupe joue à Paris sur la scène du Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Une forme d’apothéose. C’est le moment d’arrêter.  » C’était très lourd, les tournées étaient compliquées à organiser, confie Noureddine. Mais on s’est engagé à jouer tous les 17 octobre.  »

Collectif

A la retraite, Noureddine est hyperactif. Avec deux autres membres de la troupe, il anime des ateliers de théâtre forum sur l’environnement, dans une association locale sur le vivre ensemble.

Simultanément, il est au côté des migrants arrivés fin 2016 dans le Centre d’accueil et d’orientation du village de Saint-Bauzille-de-Putois (Hérault), lors de la fermeture de la  » jungle  » de Calais. Le maire avait protesté contre leur venue.

 » Nous sommes un collectif de deux cents personnes pour accueillir quarante-quatre migrants, tous soudanais et un érythréen, leur donner des cours de français, les aider à formuler leurs demandes d’asile, etc. C’est formidable.  » Sur scène ou dans la vie, Noureddine n’est jamais en manque de combats.

Véronique Soulé

Photo: Noureddine et la troupe à Montreuil le 15 octobre 2016. ©FP, ATDQM