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Noisy le Grand : un exemple de lettre ouverte aux collectivités et autorités de l’Etat

Le Préfet de Seine-Saint-Denis a réuni pour la première fois le 8 octobre les associations du département avec des représentant des différents services de l’Etat et un représentant de la mairie avant de procéder, malgré les apparentes ouvertures formulées, à la destruction du bidonville de Noisy le Grand occupé par des Rroms.

Nos associations* ont expliqué en préambule qu’elles regrettaient que la préfecture ne les ait pas réunies pour appliquer la circulaire interministérielle du 26 août et « organiser dans des conditions dignes l’avenir des personnes et les familles aujourd’hui réduites à vivre dans des campements dans des conditions de dénuement que tout le monde connaît », mais seulement pour mettre en œuvre le démantèlement d’un campement.
Les événements nous ont malheureusement donné raison puisque le préfet vient de procéder dans des conditions insupportables à l’évacuation de 200 personnes du terrain qu’elles occupaient à Noisy le Grand. Ces familles, ces enfants sont aujourd’hui à la rue, sans solution, dans le froid et le désarroi le plus complet.

Sous prétexte d’application d’une décision de justice, cette évacuation, comme d’autres avant elle (Stains, La Courneuve…), est en réalité hors de toute justice et en marge de la loi.

La mairie, confrontée à une situation certes difficile, n’a rien fait pour améliorer les conditions de vie sur le terrain, permettre l’accès aux soins et faciliter la scolarisation des enfants, en attendant qu’une alternative soit trouvée. Malgré les promesses faites de faciliter la scolarisation des enfants et le ramassage des ordures, on a laissé pourrir la situation pour mieux justifier l’évacuation. Le droit de propriété l’a emporté sur l’aide à personnes en danger.

La décision de justice invoquée par le Préfet n’aurait pas dû conduire à mettre en danger des enfants déjà dramatiquement pénalisés par la pauvreté, l’analphabétisme, la maladie. C’est faire bon marché des textes qui devraient les protéger, en particulier de la Convention internationale des droits de l’enfant.

A quoi bon se référer à la circulaire interministérielle du 26 août, qui laissait espérer de sérieuses avancées, pour en ignorer toutes les dispositions ? L’évacuation s’est faite sans qu’aucun travail sérieux n’aient été mené pour établir un diagnostic social en liaison avec les familles et pour rechercher des solutions alternatives, même transitoires, mobilisant les différents moyens de l’Etat et les crédits disponibles.

Une fois de plus, à l’égard de cette population, les droits de l’Homme et la simple humanité ont été bafoués. Une fois de plus on a choisi une logique répressive qui conduit à persécuter les familles, à détruire leurs biens, à les rejeter vers un ailleurs hypothétique tout aussi désespéré.
Ainsi sera-t-il encore plus difficile de favoriser les dépistages et le traitement des pathologies, l’accès au travail et l’indispensable scolarisation des enfants dont beaucoup n’ont jamais pu aller en classe.

Les associations ont mis en place des aides éducatives en milieu ouvert afin de donner à certaines familles un soutien à la parentalité et de permettre aux enfants ainsi qu’aux parents d’accéder au Droit commun. Désormais, le travail de ces associations sera rendu encore plus difficile.
Ainsi seront encouragé des réactions de rejet, voire de racisme, qui gangrènent notre société.
Des solutions sont pourtant possibles :
– sur les terrains existants, on peut faire le nécessaire pour assurer le minimum : l’approvisionnement en eau potable et l’évacuation des ordures, l’accès aux soins et la scolarisation des enfants qui est une obligation, non seulement éthique, mais légale, des maires et de l’Etat.

– avant toute évacuation, on peut trouver des terrains ou des bâtiments afin d’y mener, en coopération avec les familles, des projets de relogement à dimension humaine et répartis sur l’ensemble du département et de la Région, permettant à ces personnes de vivre décemment, comme cela a commencé dans la ville de Saint-Denis avec les familles du Hanul.
– cela exige des moyens humains et matériels, mais ils existent (bâtiments et espaces vacants, volonté et capacité des familles en question à contribuer humainement et financièrement, crédits spécifiques de l’Union Européenne, etc), et doivent être mis en regard du gaspillage que représentent les expulsions forcées de citoyens européens libres de circuler, ou la mobilisation des forces de police pour des évacuations qui ne règlent rien.

Nous demandons la mise en œuvre immédiate de ces mesures en faveur des populations évacuées. Des expériences ont été menées dont il faut tirer les leçons.

Ce n’est que dans cet esprit que nous pouvons envisager de nouvelles rencontres avec les pouvoirs publics afin de travailler avec eux à l’amélioration du sort de ces populations, dans le respect de notre autonomie et de nos règles déontologiques.
Un défi humain, social et éthique est posé à notre société. Si nous n’y répondons pas ensemble, pour les Rroms comme pour l’ensemble des plus précaires, quel avenir pouvons nous construire ?

*Signataires :
Collectif de Bobigny, Collectif de Noisy le Grand, Convivances Noisy le Grand, Défense des Enfants International, Hors la rue, Ligue des Droits de l’Homme, Médecins du Monde, Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples, Réseau Education Sans Frontières, Secours Catholique.

Avec le soutien de : Plate-forme 93 de soutien aux Rroms vivant dans des campements, La voix des Rroms, Registre des Citoyens du monde Réseau 1427 – Saint Denis