Mars 2015. Un café citoyen organisé par ATD Quart Monde à Montpellier. D’autres associations sont invitées. 40 personnes présentes. Certaines ont connu la pauvreté. J’entends des mots très forts : « ségrégation sociale et ethnique », « les mélanges sociaux et culturels sont de plus en plus difficiles », « les nouveaux découpages des quartiers séparent les personnes »…
Ces paroles font écho à d’autres entendues ailleurs. Elles pourraient pousser au découragement.
Lors de cette soirée, certains disent aussi comment ils font avancer des petites choses : en inscrivant leurs enfants dans l’école du quartier, même si une « meilleure » existe un peu plus loin ; en soutenant une maman qui a peur parce qu’elle ne trouve personne à qui parler ; en travaillant à plusieurs associations pour décloisonner des quartiers…
Nous sommes là au cœur de la mise en œuvre concrète de la fraternité que les millions de manifestants du 11 janvier ont appelée de leurs vœux. Certains répondent d’abord par la sécurité ou l’éducation citoyenne. Certes, mais quels moyens prend-on aussi pour se connaître, se respecter dans ses appartenances, reconnaître la dignité de chacun, quel qu’il soit ? N’est-ce pas une clé indispensable à la construction d’un vivre ensemble renouvelé ?
Fin février, le directeur d’une école de région parisienne a présenté au Conseil Économique, Social et Environnemental l’expérience de son établissement(1). Arrivé là comme instituteur il y a 25 ans, il s’est demandé avec ses collègues comment faire face à la grande violence qui régnait dans le quartier et dans cette école, construite rue de l’Enfer… Ils ont décidé d’arrêter de répondre à la violence par la violence, d’apprendre à gérer un conflit. Ils ont choisi des moyens inattendus pour instaurer entre les enfants, avec l’aide des parents, une culture des projets collectifs et du partage : un grand parc d’ordinateurs dans l’école, une mini-ferme avec des animaux, une volière et un laboratoire scientifique. Un travail humble et quotidien d’observation, d’écoute et de dialogue. Un vrai travail, auquel les enseignants se sont formés peu à peu, et qui est devenu une « culture » de l’établissement.
D’autres relations sont possibles entre nous. Il est urgent de les inventer et cultiver au jour le jour avec l’autre, avec tous les autres.
Pascal Lallement, Délégué national d’ATD Quart Monde France
(1)Voir http://reussitedetous.lecese.fr/audition-de-yves-nemo-directeur-decole