Le 20 octobre, un jeune d’une cité du sud de la France est mort, poignardé pour un scooter volé. Nous le connaissions. Il habitait une barre de quatorze étages, dans un quartier où les moyens investis avec les jeunes par les pouvoirs publics ne sont pas à la hauteur des défis. Il faisait partie de la minorité de ceux qui « trafiquent » dans la cité.
L’équipe ATD Quart Monde l’avait rencontré en juillet 2011, lors du « festival des savoirs et des arts » organisé par le Mouvement, lorsqu’il avait fallu trouver une famille qui accepte un branchement électrique. Il avait dit plus tard que de telles activités ne servaient à rien dans son quartier : « Dès que vous allez partir, il ne se passera plus rien. Les jeunes vont recommencer à faire des conneries. Y’a pas de place pour nous ici. On trafique. Puis on va en prison. Puis on sort. Puis on recommence. J’ai fêté mes 18 ans il y a un mois et je suis sorti de deux ans de prison. Je reste ici. Nous, on bouge jamais d’ici. »
« Que faire pour que ça change ? », lui avions-nous demandé. « Que j’aie les yeux bleus et que je sois un peu moins bronzé. »
Derrière son agressivité, ce jeune cachait un grand humour, une énergie et une intelligence fortes, mais balayées par un quotidien fait de manque de reconnaissance et de perspectives, sans réel espoir d’un avenir meilleur.
D’autres jeunes qui ont la vie dure ont témoigné ce 17 octobre à Paris : « On nous dit que nous sommes le futur, la relève. Mais souvent, nous sommes vus comme des fainéants, des bons à rien. On nous juge sur notre apparence, on nous traite de racaille, mais ce n’est pour nous qu’une carapace. Nous essayons d’être quelqu’un. On a besoin que vous, les adultes, vous nous montriez comment marche votre monde. Comme nous ne savons pas, nous faisons pleins de démarches qui n’aboutissent pas, nous sommes refusés partout et nous perdons confiance en nous. Pourtant, même en situation difficile, nous sommes capables de nous engager pour une cause qui nous tient à cœur. »

Ces jeunes ne sont pas une génération perdue. Ils sont nombreux à s’engager avec leur cœur, sans que cela soit toujours très visible pour l’extérieur. Ils ont besoin du soutien des adultes.
Saurons-nous les voir, les entendre et faire en sorte que chacun puisse avoir sa place dans notre société ?

Pascal Lallement, Délégué national d’ATD Quart Monde France