
Idées Fausses : « Avec la CMU, tout le monde a accès aux soins » C’est faux !
Faux. Il faut continuer d’agir contre les inégalités d’accès à la prévention et aux soins.
Même privée d’emploi, toute personne a le droit de se soigner. En pratique, il faut franchir plusieurs étapes : savoir que l’on peut avoir accès à la CMU, la CMU-C ou l’ACS et décider de recourir à ce droit (idée fausse 19) ; réussir à remplir son dossier jusqu’au bout (idée fausse 118) ; ne pas être confronté à un refus de soins ou ne pas renoncer soi-même, lorsque le « reste à charge » (part non remboursée par la Sécurité sociale et la mutuelle) est trop élevé par rapport à son budget.
Les bénéficiaires de la CMU sont parfois confrontés à des refus de soins de la part de professionnels de santé : un quart des médecins, 32 % des dentistes, 31 % des ophtalmologues et 40 % des gynécologues de secteur 2 à honoraires libres disent pratiquer ce refus[1]
Les renoncements aux soins concernent 18 % des bénéficiaires de minima sociaux pour le médecin et 29 % pour le dentiste. Par ailleurs, 11 % des bénéficiaires de minima sociaux indiquent ne pas avoir de couverture complémentaire santé fin 2012[2].
Principale conséquence de ces inégalités d’accès aux soins : l’espérance de vie à la naissance des hommes parmi les 5 % les plus aisés est de 84,4 ans, contre 71,7 ans parmi les 5 % les plus pauvres, soit 13 ans d’écart[3]. Une personne sans domicile en France décède en moyenne à 49 ans[4].
On peut s’interroger avec certains chercheurs (Frédéric Pierru, Didier Tabuteau…) sur la baisse continue, au fil des décennies, de la prise en charge des soins courants par la Sécurité sociale (50 % en moyenne seulement[5]) au profit de la part des mutuelles. Même s’il existe quelques complémentaires santé (comme « Accès santé »[6] créée en 2013 avec ATD Quart Monde) qui couvrent plus avantageusement les personnes en précarité, les mutuelles dans leur ensemble protègent bien mieux les salariés que les personnes privées d’emploi, qui ont pourtant en moyenne une santé plus précaire (idée fausse 31).
[Article mis à jour en décembre 2019]
ATD Quart Monde publie l’édition 2020 de l’ouvrage de référence qui démonte les idées fausses. Un indispensable !
[1] Fonds CMU, « Les refus de soins : le testing 2009 ».
[2] « La couverture santé des bénéficiaires de revenus minima garantis », Minima sociaux et prestations sociales, Drees, 2019. Voir aussi M. Moisy, « État de santé et renoncement aux soins des bénéficiaires du RSA », Drees, Études et Résultats, n° 882, 2014 ; P. Warin, « Le baromètre du renoncement aux soins dans le Gard », Odénore, 2014.
[3] N. Blanpain, « L’espérance de vie par niveau de vie : chez les hommes, 13 ans d’écart entre les plus aisés et les plus modestes », Insee Première n°1687, 2018. Et le chercheur Matthieu Grossetête montre que le nombre de morts sur les routes est en partie liée à la situation de précarisation d’une partie de la population. Cf. « Des accidents de la route pas si accidentels », www.monde-diplomatique.fr, 2016 (consulté en août 2019). « Près de 15 000 cas de cancers pourraient être évités en France chaque année par l’amélioration des conditions de vie et la promotion de la santé des populations les plus défavorisées », notent aussi J. Bryere, O. Dejardin, L. Launay, M. Colonna, P. Grosclaude, G. Launoy, « Environnement socioéconomique et incidence des cancers en France », Bulletin épidémiologique hebdomadaire n°4, 2017. Sur le lien chômage-santé, voir P. Meneton, S. Hercberg, J. Ménard et al., « Unenmployment is associated with high cardiovascular event rate and increased all-cause mortality in middle-aged socially privileged individuals », Int. Arch. Occup. Environ. Health, 2015 ; M. Laanani, W. Ghosn et al., « Association entre taux de chômage et suicide, par sexe et classe d’âge, en France métropolitaine, 2000-2010 », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2015. Les inégalités continuent après la mort : H. Boissonnat, É. Pelsy, J.-M. Stébé, P. Bascou, J.-M. Billotte, C. Sibue de Caigny, « Mourir lorsqu’on est pauvre : où s’arrête la dignité ? », Dossiers et documents de la Revue Quart Monde n° 28, ATD Quart Monde, 2018.
[4] Rapport 2014 de l’Observatoire national de la fin de vie.
[5] Selon le rapport 2011 du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie. Voir aussi les travaux de l’Observatoire citoyen des restes à charge en santé.
[6] www.acces-sante-pour-tous.fr (consulté en août 2019).