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« Mon rôle de mère est moins respecté »

Depuis la loi de protection de l’enfant du 14 mars 2016, les familles ayant des enfants placés ne reçoivent plus l’allocation de rentrée scolaire (ARS). Elle va sur un compte bloqué et les sommes accumulées au fil des ans seront versées aux jeunes au moment de leur majorité ou de leur émancipation. L’idée est qu’ils aient un pécule quand ils sortent du dispositif de placement. Mais la mesure passe mal auprès des familles qui se sentent encore plus écartées de l’éducation de leur enfant. Des militants Quart Monde de Rennes dans cette situation nous ont écrit pour dire leur désarroi et leur colère.

Madame A

«  J’ai un fils qui est en Institut médical éducatif (IME). Quand je suis allée à l’IME, ils m’ont dit que c’était à moi de faire les achats pour la rentrée : le bleu et les gants de travail, les chaussures de sécurité.

J’ai eu la liste par la famille d’accueil. J’ai demandé d’avoir une aide financière à l’éducatrice. Elle a fait un chèque à la famille d’accueil et elle m’a demandé d’acheter les fournitures scolaires. Sachant que je n’aurai plus l’ARS, j’avais mis de l’argent de côté. Mais j’ai pris sur mes ressources, l’AAH (allocation aux adultes handicapés). Je voulais faire sentir à mon fils que je payais des choses. Je n’aurais pas eu d’argent de côté, j’aurais fait comment ? Avant j’y arrivais financièrement, mais maintenant, je dois faire attention. Je le vis mal que ça arrête. Je sens une humiliation, je vois que mon rôle de mère est moins respecté. J’allais acheter avec lui les affaires. Il demandait de venir avec moi. Il était content que nous fassions les achats ensemble. Ça vient du fait que des parents gaspillaient l’ARS. Tout le monde trinque après. »

 

Madame B

« C’est frustrant, cette mesure. Quand je participe à la rentrée scolaire de mes enfants, c’est comme si je participais à leur vie scolaire. Je me rends utile, ça donne des choses positives en moi. Comme on ne peut pas emmener nos enfants le jour de la rentrée. C’est une manière de participer. C’est pourquoi je tenais tant à payer. On avait un rôle et un droit qu’ils nous enlèvent, celui de faire quelque chose pour nos enfants. Avec l’ARS, je pouvais aussi remeubler la chambre de mon fils. Les parents ne peuvent plus prendre ce que les enfants aiment. En plus, on a maintenant la baisse de l’APL (l’aide personnalisée au logement) de 5 euros. »

 

Monsieur C

« L’an dernier, on n’était pas au courant de la mesure, elle a été mise en place pendant les vacances. La CAF (caisse d’allocations familiales) et les services sociaux n’étaient pas au courant non plus. Tu as des achats à faire, ça oblige à se serrer la ceinture un peu plus et de piocher dans le peu qu’on a. Le peu qu’on a aujourd’hui, on nous l’enlève. Une fois de plus, on arrive à retirer un lien entre les enfants et les parents, qui ne fait que fragiliser la position familiale. Je suis obligé de courir après des secours pour la nourriture, pour tout. Il faut accepter qu’on n’est rien, de devoir se plier, nous les parents comme les enfants. Ça ne m’a pas empêché d’acheter des bureaux pour mes deux enfants, parce que j’ai réussi à obtenir un secours de l’action sociale. Derrière, c’est l’action sociale qui paye l’ARS, les aides financières, les fournitures qu’achètent les familles d’accueil. Il y a eu une main levée de placement. Mais les allocations de 2016 et 2017 vont rester bloquées sur un compte jusqu’aux 18 ans de mes enfants. »