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Migrants : des gestes de solidarité sans bruit

Loin des protestations médiatisées, un peu partout en France, des personnes donnent des cours de français, proposent des hébergements…

On a beaucoup entendu parler des manifestations contre l’arrivée de migrants dans une commune, beaucoup moins des gestes de solidarité au quotidien. En réalité, l’accueil des migrants et des réfugiés en France se passe mieux que ce que certains ont prédit.

Anne-Marie Humbert, enseignante à la retraite proche d’ATD Quart Monde, habite Darney, dans la plaine des Vosges, un village d’un millier d’habitants. Trois familles syriennes y vivent depuis novembre 2016 dans des logements dépendant du Centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) d’Epinal.

 » Nous sommes quatre à proposer des cours de français, une heure par jour « , explique Anne-Marie. Ils se déroulent à la Maison pour tous. « Une bonne solution car les familles ne s’entendent pas, souligne-t-elle, les deux plus aisées étaient contre la famille d’agriculteurs, puis il y a eu un retournement. »

Cantine

Les sept enfants sont scolarisés. Chaque famille reçoit 50 euros par semaine. Anne-Marie a demandé au maire si la cantine pouvait être gratuite. « C’est trop délicat, a-t-il répondu, les gens sont pauvres ici et il faudrait le faire pour tous. » Des familles les aident, les enfants sont invités chez des copains de classe. On a même organisé un repas commun à la Maison pour tous.

A dix kilomètres de là, cinquante migrants, soudanais en grande majorité, sont arrivés fin octobre dans le village de Monthureux-sur Saône lors du démantèlement de la  » jungle  » de Calais. Ils ont été installés dans l’ancienne gendarmerie transformée en centre d’accueil et d’orientation (CAO).

Catastrophe

« Lorsque les habitants l’ont su, cela a été comme une catastrophe nationale, se souvient Anne-Marie. Hormis dans leur imaginaire, beaucoup n’avaient jamais vu de Noirs. » Le Front national a fait monter la tension et lors de la réunion d’information, la sous-préfète a été huée.

«  Cela a eu un bon côté : voyant cela, des gens se sont mobilisés », souligne Anne Marie. Deux médecins bénévoles viennent au centre. Une vingtaine d’habitants donnent des cours de français. D’autres apportent à manger, emmènent les migrants faire des courses, visiter la région… La Maison de la presse leur offre la connexion internet.

Anne-Marie donne des cours chaque mardi à Aziz, arrivé, lui, en février 2016. «  Quand j’ai fini, il me propose de boire un thé. J’ai donné, il veut me donner. » Il devra bientôt partir car dans la région, il n’y a pas de travail. « Mais les liens resteront. »

« On sert un peu de famille de remplacement à ces personnes qui ont laissé tout leur environnement ». Anne-Marie ajoute que son expérience à ATD Quart Monde lui a été utile pour avoir la bonne distance : « on doit les laisser autonomes, on est juste un pont. »

Popote solidaire

De l’autre côté de l’Hexagone, dans le Pays de Lorient, des particuliers proposent d’accueillir des réfugiés. Cinq devaient ainsi emménager en mars. LACK (Les associations du centre de Kerfleau) les accompagne dans le cadre d’un programme financé par le ministère du Logement. « Nous leur proposons de participer à nos activités – remise à niveau en français et maths, ateliers professionnels, explique Luis Ramirez. Nous avons aussi une popote solidaire : ils peuvent cuisiner et repartir avec leurs plats. »

Une autre formule va être testée : la co-location solidaire avec des jeunes de la région, des bénévoles et des volontaires en service civique à l’association. « Il faut imaginer des choses, estime Luis Ramirez, mais nous avons une règle : ne pas diminuer le temps que nous consacrons aux jeunes des quartiers au risque de s’entendre dire que les réfugiés passent avant. La solidarité est fondamentale. »

La définition

Un migrant est une personne qui vit un temps dans un pays autre que le sien. Un réfugié est une personne qui a obtenu l’asile car il est persécuté dans son pays en raison de sa religion, de sa race, de ses opinions… Un immigré est une personne née à l’étranger vivant en France et qui a pris ou non la nationalité française.

Le chiffre

320 000 Syriens ont été tués depuis le début du conflit il y a six ans, dont 96000 civils et 17000 enfants.

Le saviez-vous ?

L’essentiel des 6 millions de Syriens qui ont fui leur pays poussés par la guerre, sur 23 millions d’habitants au total, ont trouvé refuge dans les pays voisins – Liban, Turquie, Jordanie, Irak… Six autres millions sont déplacés à l’intérieur du pays.

A lire ou relire

Le dossier  » Stop aux idées reçues sur les réfugiés «  paru dans Feuille de route de nov. 2015 n°455, et  » Accompagner des populations en errance  » dans Feuille de route d’avril 2016 n°460 – allez sur atd-quartmonde.fr/journal-d-atd-quart-monde

Photo : dans le camp de Grande-Synthe (Nord) le 21 avril 2016 (ph. F. Phliponeau, ATD QM)