
Mieux comprendre la pauvreté pour l’éradiquer
Une recherche menée par ATD Quart Monde et l’Université d’Oxford vise à affiner la compréhension et la mesure de la pauvreté. Intitulée « Les dimensions cachées de la pauvreté », elle a été présentée le 10 mai dernier à l’OCDE à Paris.
« L’objectif est de mettre en lumière la complexité de la pauvreté, parce qu’il faut tenir compte de l’ensemble de ses dimensions si l’on veut la combattre », affirme Marianne de Laat, volontaire permanente d’ATD Quart Monde et membre de l’équipe de coordination internationale de la recherche participative conduite par ATD Quart Monde et l’Université d’Oxford. Présentée le 10 mai à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) à Paris, cette étude a réuni des personnes en situation de précarité, des chercheurs et des professionnels dans six pays : le Bangladesh, la Bolivie, la France, la Tanzanie, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Redonner le pouvoir d’agir
L’étude vise à « remettre au centre de la réflexion ce que vivent et pensent les personnes en situation de pauvreté », loin des critères actuels de mesure. Ces derniers ne prennent en effet en compte que la dimension monétaire, à l’image de l’indicateur d’extrême pauvreté de 1,90 dollar par personne et par jour de la Banque mondiale. « C’est très simpliste. On ne peut fonder des politiques sur ce type d’indicateurs qui ne considèrent les individus que sous l’angle de leurs privations (de revenu suffisant, de travail décent, d’instruction…) et non comme des personnes qui souffrent, qui résistent, qui développent des compétences, qui sont dépossédées du pouvoir d’agir, qui doivent faire face à la maltraitance sociale et institutionnelle… », précise Xavier Godinot, volontaire permanent d’ATD Quart Monde et également membre de l’équipe internationale de coordination.
Cette recherche s’inscrit dans la continuité d’un travail réalisé entre 2011 et 2013 pour évaluer les « Objectifs du Millénaire pour le développement » adoptés en 2000 à l’ONU, explique-t-il. Le rapport, intitulé « Pour un développement durable qui ne laisse personne de côté : le défi de l’après-2015 », publié en 2014, recommande alors « d’introduire les personnes vivant dans la pauvreté comme nouveaux partenaires dans la construction des connaissances en matière de développement ».
Travail de co-construction
À partir de fin 2016, des dizaines de personnes en situation de pauvreté dressent avec des chercheurs et des professionnels une liste des différentes dimensions de la pauvreté, selon la démarche du Croisement des savoirs et des pratiques développée par ATD Quart Monde et déposée fin 2012. Un conseil scientifique est également constitué. Il réunit des représentants de grandes universités mondiales, de la Banque mondiale, de l’OCDE… « Le but était double : qu’ils nous conseillent, parce que certains ont une longue expérience de recherches sur la pauvreté, mais aussi qu’ils puissent se faire l’écho de notre travail dans leurs institutions », souligne Xavier Godinot.
Après deux ans de recherche dans les 6 pays, plus de 70 dimensions de la pauvreté ont été avancées. Un travail de mise en commun est alors mené pour aboutir à la description de la pauvreté comme l’interaction entre 9 dimensions et 5 facteurs modificateurs. Au-delà du constat, les auteurs entendent désormais réfléchir dans les prochains mois aux « préconisations d’action ». Le rapport présenté le 10 mai constitue en effet « un défi à relever et doit pousser les institutions, les politiques publiques et les associations à penser la pauvreté différemment », conclut Marianne de Laat.
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