
Michelle Serclerat, l’habituée du Troca
Voici le troisième article de la série que nous proposons à l’approche du « Village des initiatives pour une société autrement » les 14-15 octobre place la République à Paris et de la Journée mondiale de refus de la misère le 17 octobre, qui fête ses 30 ans. Une rencontre avec Michelle Serclerat, fidèle alliée d’ATD Quart Monde.
Chaque 17 du mois, Michelle, 78 ans, se rend sur la dalle du Trocadéro pour aller à la rencontre de personnes et expliquer le combat d’ATD Quart Monde. Sa façon de marquer la Journée mondiale de refus de la misère du 17 octobre. Cela fait plus de vingt ans que ça dure. Et elle n’est pas prête d’arrêter.
Michelle a découvert ATD Quart Monde à la Mutualité à Paris, avec son mari lui-même issu du Quart Monde, il y a une bonne trentaine d’années. Après plusieurs années d’engagement en métropole, le couple part à la Réunion où il poursuit le combat.
Lierre
C’est sur l’île que Michelle commence à se rendre chaque 17 du mois sur la réplique de la dalle du Trocadéro à Saint-Denis, afin de rendre hommage aux victimes de la misère. Elle y emmène des habitants de son quartier, constatant « la fierté qui les anime » lorsqu’ils se retrouvent devant la dalle.
Rentrée en métropole, Michelle perpétue cette habitude au Trocadéro : « On y partage les bonnes choses ». Elle apporte du lierre ou des bouquets de fleurs pour attirer le regard. Toujours munie du journal d’ATD Quart Monde, elle explique l’histoire de la dalle puis échange sur le mouvement. Avec d’autres amis d’ATD Quart Monde, ils sélectionnent des articles, piochent des arguments dans le livre « Les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté » et rédigent des textes qu’ils présentent au « Troca ».
Illettrisme
Proffesseur remplaçante en maths, Michelle donne alors des cours de français dans des associations. Elle forme elle-même des groupes d’entraide et se rend au domicile de ses élèves : « Tous les moyens étaient bons tant que les personnes avancent ».
Pour elle, le combat contre l’illettrisme est une solution contre l’exclusion et un moyen de s’affranchir de la misère. « Mon boulot était non seulement d’apprendre à lire mais aussi à vivre dignement, explique-t-elle, mon objectif était qu’une personne exclue, illettrée et n’ayant pas de boulot, ait accès à ses droits, qu’elle soit comme tout le monde et donne le meilleur d’elle-même. »

Pont
En parallèle, Michelle participe aux Bibliothèques de rue et aux Festivals des savoirs et des arts d’ATD Quart Monde. Elle rencontre ainsi des habitants des quartiers et « fait le pont » entre l’école et les enfants, ce que les parents ne peuvent pas toujours assurer.
Aujourd’hui, Michelle se rend chaque jour à La Fourche, un quartier populaire du nord de Paris, « là où sont les gens ». Là, elle « fait le pont » entre les associations comme le Secours Populaire et les personnes dans la rue. Elle discute et crée des liens. « Il faut voir comme ils sont heureux à la fin, explique-t-elle, on discute un quart d’heure, une demi heure, ils ont été pris en compte. S’il y a des choses à faire, on poursuit ensemble. S’il faut un accompagnement pas de problèmes, il y a un accompagnement.»
Parole
Des accompagnements, Michelle les a multipliés – rendez-vous à la Poste, déclaration de perte de papiers à la gendarmerie, obtention de béquilles, gestion de récup dans les poubelles, etc. Elle considère que son « boulot »est de « faire avancer les gens parce qu’ils n’ont pas accès à leurs droits dans la rue ».
Dans le bus, le métro, le RER ou la rue, Michelle ne cesse de « travailler ». Elle estime que la première chose à offrir aux personnes qu’elle rencontre, c’est la parole. Sa philosophie ? Mettre en valeur le savoir de chacun, valoriser toute personne qu’elle rencontre. Selon elle, c’est de cette manière que l’on redonne la dignité aux personnes.
Mélaine Sevim
A lire aussi les précédents articles de la série :
– Salem, en co-location grâce à Habitat et Humanisme
– « S’unir pour accueillir les réfugiés, une nécessité absolue »