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Avec la loi NOTRe, les collectivités doivent mettre en valeur les droits culturels des habitants

Delphine Cadé est responsable de la médiathèque Grain de sel à Séné dans le Morbihan. Elle est aussi « alliée » d’ATD Quart Monde et nous éclaire sur une nouveauté introduite en août 2015 par la loi NOTRe (loi sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République) : la reconnaissance des « droits culturels » des habitants.

Qu’appelle-t-on les droits culturels ?

Selon la Déclaration de Fribourg de 2007, c’est « l’ensemble des références culturelles par lesquelles une personne, seule ou en commun, se définit, se constitue, communique et entend être reconnue dans sa dignité ».

Qu’apporte de nouveau la loi NOTRe ?

Dans son article 103, elle incite fortement les collectivités à respecter et mettre en valeur les droits culturels de leurs citoyens. C’est un encouragement à chaque élu chargé de la culture, chaque maire, à lancer des actions dans cette direction – et les habitants peuvent les solliciter pour cela. C’est important car c’est la première fois que la promotion de la diversité culturelle est reconnue comme une responsabilité des collectivités. Jusqu’à présent, l’accès à la culture, pour les collectivités, consistait à permettre d’accéder à la culture « légitime » : les « Beaux-arts », les « Belles-lettres »,… C’était ce que l’on appelait la démocratisation culturelle. C’est bien sûr une bonne chose de pouvoir accéder à cette culture-là et on garde cette volonté de faire découvrir cette culture reconnue. Mais, en même temps, on développe la possibilité que les gens prennent conscience de leur propre culture, en soient fiers et expriment cette « diversité culturelle » : la culture de différents pays, mais aussi celle que chacun porte en lui, quelque soit son origine.

Dans quels types d’actions cela peut-il se traduire ?

Des collectages d’un récit de vie, de l’histoire d’une personne, d’une famille, d’un quartier… Cela peut donner lieu à des livres, des pièces de théâtre, des spectacles participatifs, par exemple avec un metteur en scène, des habitants qui confient leur histoire à un écrivain, qui la réécrit avec la validation de ceux qui ont donné leur histoire, en apportant sa touche personnelle.

C’est un projet que vous avez mené à Grain de sel ?

Oui, il y a quatre ans. Cela s’appelait « Circulez, il y a tout à voir ». Une trentaine d’habitants de Séné ont vécu cette aventure pendant 18 mois.

Qu’est-ce qu’une telle expérience change pour les personnes ?

Certaines découvrent qu’elles sont porteuses d’une culture et qu’elles peuvent la faire découvrir à d’autres. Cela développe l’estime de soi. Parfois, des gens hésitent à entrer dans un musée ou une médiathèque en disant : « C’est pas pour nous, nous ne sommes pas de ce monde-là ». Grâce aux nouvelles possibilités qu’offre la convention récente entre ATD Quart Monde et le Centre des Monuments nationaux, des personnes qui ne fréquentaient pas ces lieux pourront y avoir accès, et aussi montrer à tout le monde que chacun a sa propre culture. La culture n’est pas forcément la musique, le cinéma ou la littérature. C’est aussi ce qu’on appelle le « patrimoine immatériel » : les recettes de cuisine, les jeux qu’on invente, son histoire personnelle et familiale, le patois et les langues régionales… Il y a différentes façons de faire culture ensemble. Les habitants, les associations, les professionnels de la culture, les élus ont maintenant grâce à la loi NOTRe toute légitimité pour travailler dans la promotion de la culture de chacun, ce que ne faisaient jusqu’alors que les militants et les convaincus.

Propos recueillis par JC Sarrot

Photo : des participants à l’aventure « Circulez, il y a tout à voir » à Séné en 2011-2012.