Entrez votre recherche ci-dessous :

Les visages d’ATD Quart Monde – Soraya : « Ouvrons nos portes et plantons un arbre »

Engagée auprès d’ATD Quart Monde à Vannes, Soraya souhaite que la Journée mondiale du refus de la misère donne cette année de l’espoir « dans un monde plus sûr et durable ».

« Le 17 octobre, c’est un jour où les personnes les plus pauvres du monde se disent ‘plus jamais la misère’, où l’on se donne tous la main pour montrer qu’on est fort ensemble et que nous, les pauvres, on a des idées qui cartonnent, on peut faire de belles choses », affirme Soraya avec détermination. Pour elle, la Journée mondiale du refus de la misère représente chaque année un moment intense et des souvenirs marquants. Elle évoque ainsi avec émotion l’installation de la réplique de la Dalle à l’honneur des victimes de la misère à Vannes, en 2018.

« C’était un jour formidable. Ce jour-là, on nous a donné un micro, on a pu partager de très beaux textes avec les officiels présents. J’espère qu’ils les ont gardés et qu’ils en ont fait quelque chose. » Elle se souvient aussi, avec une certaine colère, que ce jour-là une femme est venue lui parler, en pleurs, car elle n’avait plus de logement. « J’ai essayé de l’emmener vers les bonnes personnes, mais son dossier est toujours en cours aujourd’hui… On a beau se battre sur le terrain pour les gens, il faut aussi que ceux qui sont dans les bureaux agissent et ce n’est pas toujours le cas. »

Offrir un bouquet de fleurs

Cette année, le thème choisi pour le 17 octobre « me touche au plus profond de mes entrailles », indique Soraya. Pour elle, justice sociale et environnementale sont très fortement liées. « Je voudrais que la Nation reconnaisse tous les peuples opprimés, que tout le monde ait un logement décent, ait le droit de partir en vacances, de découvrir de beaux paysages. Respectons la nature et les humains, car l’un ne va pas sans l’autre et le développement durable ne se fera pas sans les gens humbles ». Elle qui adore contempler la nature propose aussi « qu’on offre, de temps en temps, un bouquet de fleurs à une famille en situation de pauvreté et que l’on fasse des échanges de graines de fleurs, entre nous, mais aussi entre pays. Cela peut donner à la planète une puissance et une beauté phénoménale ».

Cette mère d’un adolescent estime qu’il faut « se battre avant tout pour nos enfants, pour leur donner de l’espoir dans un monde plus sûr et durable, pour qu’ils puissent, partout dans le monde, boire de l’eau propre, nager tranquillement dans des océans non pollués et ne pas porter un masque pour se protéger des épidémies ». Le 17 octobre, « ouvrons nos portes et plantons un arbre », dit-elle en souriant et cela sonne presque comme un slogan. Car si Soraya aime s’occuper des fleurs, ce qu’elle préfère, c’est jouer avec les mots.

Depuis une quinzaine d’années, elle pratique le slam, cet art de déclamer de la poésie en public. « J’ai vécu dans un squat à Grenoble pendant mes études et au début de ma vie professionnelle. Je n’avais à moi qu’un petit matelas poisseux, dans un coin. Un jour, je me suis dit qu’il fallait sortir de cela, faire quelque chose de ma vie. Je ne savais faire que des slams, de la poésie, alors je me suis mise à écrire. » Elle a aujourd’hui édité certains de ses textes et les déclame parfois au Café de l’Atelier, ouvert par l’association Atelier coopératif et citoyen, en plein cœur de Vannes. Pour Soraya, les mots permettent de tisser des liens très forts entre les gens.  « J’aime discuter avec les personnes qui vivent dans la rue. Si l’on prend simplement le temps de dire ‘bonjour’, quelque chose se passe. » Grâce à ses poèmes, elle souhaite notamment permettre à des personnes en difficulté de « vivre un moment présent, et de poser leurs valises », ce qu’elle-même a mis beaucoup de temps à faire.

Prendre du recul

Après la vie en squat, elle a en effet passé un peu plus d’une année en Asie du Sud-Est, pour aider des paysans à construire des maisons sur des terrains militaires, puis dans des camps de réfugiés, à la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie. Elle est ensuite partie au Danemark pour faire des cueillettes de fraises, puis en Espagne. Installée à Vannes avec son fils, Soraya aspire désormais, à 47 ans, à davantage de stabilité, même si son « côté militante, qui n’a aucune crainte » la pousse à multiplier les engagements. Elle se bat ainsi aux côtés des femmes victimes de violences au sein du CIDFF (Centre d’informations sur les droits des femmes et des familles), assure l’aide aux devoirs pour des enfants du quartier de Kercado, dans le cadre de l’association Mine de rien et, depuis 2013, participe à l’organisation de la Journée mondiale du refus de la misère avec ATD Quart Monde.

Pour elle, le Mouvement donne à ses membres « beaucoup d’humilité et la capacité de prendre du recul par rapport à sa propre existence, que l’on soit à la rue, dans un appartement ou une riche maison. Quand on fait partie des plus précaires, ce sont les seuls à vous ouvrir leur porte, à vous souhaiter la bienvenue et à vous proposer de donner un coup de main ». Après une courte réflexion, elle a d’ailleurs trouvé une accroche: « ATD Quart Monde, c’est une main tendue ». Julie Clair-Robelet

 

Photo : Soraya lors de la session « Respiration estivale » à Méry-sur-Oise en août 2020. © JCR, ATD Quart Monde