
Les visages d’ATD Quart Monde – Henry Vigourt : « Un moyen de combat sans violence »
Depuis 5 ans, Henry Vigourt est très impliqué dans l’organisation de la Journée mondiale du refus de la misère à Reims et se bat notamment contre la fracture numérique.
« M’impliquer, aider les gens autour de moi, j’ai toujours été comme ça, c’est dans ma nature. Même quand tout allait bien pour moi. » À 64 ans, chapeau toujours vissé sur la tête, Henry est un éternel optimiste, hyperactif. Il y a quelques années, il a connu « la panade : un divorce, plus de boulot, la revente de la maison… ».
En 2014, alors qu’il est président du Conseil de la vie sociale du Centre d’hébergement et de réinsertion social Le Nouvel Horizon de Reims, il entend parler d’ATD Quart Monde et s’implique dans la préparation du 17 octobre, la Journée mondiale du refus de la misère. « Le thème était la lutte contre les idées fausses sur la pauvreté, ça me parlait.» Il n’en rate aucune ensuite et garde de nombreux souvenirs de ces événements chaque année. « Il y a une ambiance sympa, on rencontre des équipes formidables avec des gens qui viennent de partout. Ça se passe toujours dans la bonne humeur. On attire du monde. Et même si on sait que c’est un peu utopique, ça permet de faire réfléchir sur la misère. »
Cette année, Henry va aider l’équipe de préparation du 17 octobre à construire l’immense structure cubique conçue par l’artiste André Parisot, qui sera installée à côté de la Dalle du refus de la misère, au pied de la cathédrale de Reims. L’œuvre contiendra des cages, qui symboliseront les 12 principaux droits énoncés dans la Convention des droits de l’enfant, et qui bougeront grâce à des poulies.
Donner la parole
Pour Henry, cet événement, comme tous ceux organisés par ATD Quart Monde, permet avant tout de donner la parole à tous. « Ce droit à la parole, c’est une priorité, c’est fondamental. Ça permet de s’en sortir. C’est un moyen de combat sans violence », dit-il, après avoir participé à de nombreuses Universités populaires Quart Monde.
Cette parole, Henry a décidé de la prendre désormais partout où il peut, dans un grand nombre d’instances politiques et sociales. Il est ainsi délégué au Conseil régional des personnes accueillies (CRPA) Grand Est, et membre du Comité des usagers du Centre communal d’action sociale (CCAS) de Reims. « Je n’ai pas ma langue dans ma poche et je n’hésite pas à dire aux personnalités politiques de venir voir comment on vit. C’est bien beau de se mettre autour d’une table, mais elles ne connaissent même pas le prix d’une baguette de pain. »
« Petite victoire »
Son « cheval de bataille », c’est désormais la fracture numérique. « On entend souvent dire : beaucoup de gens ont des droits, mais ne les demandent pas. C’est faux. Beaucoup de gens n’ont pas les moyens d’avoir un ordinateur, ou ne savent pas s’en servir. Quand vous devez faire une déclaration pour le RSA sur internet, il y a sur le formulaire une petite croix à cocher à un endroit. Si vous la ratez, vous arrivez en bas et il faut tout recommencer. Au bout de cinq fois, la personne en a marre, baisse les bras et s’en va. C’est la même galère pour la demande de CMU. »
Henry estime cependant avoir « un peu gagné ce combat à Reims », en travaillant sur cette question au CCAS. « J’ai montré qu’il fallait garder un contact humain à la Sécurité sociale et à la CAF, rencontrer un interlocuteur pour avoir un dialogue, parce que l’ordinateur, lui, il ne dit même pas bonjour ! Maintenant, il y a une personne à l’accueil. C’est une petite victoire, mais c’est déjà ça. »
Être entouré par l’équipe d’ATD Quart Monde lui a aussi permis de mieux connaître ses droits, « savoir comment aller à l’épicerie sociale, les conditions pour avoir la carte de bus gratuitement… Ce sont des petites choses qui permettent à la fin du mois de s’en sortir. Cela permet aussi d’apprendre à gérer son argent, parce que ce n’est pas évident. Quand vous avez été habitués à gagner de l’argent et que, du jour au lendemain, vous n’en avez plus, ça fait tout drôle. »
Henry profite désormais des « petits plaisirs » : jardiner et faire de la musique. « Quand j’ai un peu le bourdon, ça m’aide à m’évader et ça donne du bonheur aux gens. » Julie Clair-Robelet
Photo : Henry Vigourt à la Maison Quart Monde de Reims le 4 septembre 2019. © JCR, ATDQM