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Les visages d’ATD Quart Monde – Karol : « J’aime savoir que je peux apprendre puis transmettre ce savoir aux autres. »

Engagée avec ATD Quart Monde depuis l’âge de 15 ans, Karol est aujourd’hui volontaire permanente dans l’équipe de Paris.

C’est lors d’une journée des enfants au Honduras, son pays d’origine, que Karol décide de s’engager avec ATD Quart Monde au sein d’un groupe jeune. Dans ce pays, de nombreuses villes témoignent de fortes violences et de la grande pauvreté. ATD Quart Monde s’y manifeste en particulier par des Bibliothèques de rue et des Festivals des Savoirs et des Arts. Ces actions permettent aux enfants de s’extirper pendant quelques heures de l’emprise de nombreux gangs. Souvent, ils s’engagent à leur tour pour prendre la relève. Cela leur permet de sortir de la précarité, de voyager, de s’éloigner de ces quartiers où les conditions de vie sont difficiles. « Les bibliothèques de rue sont fondamentales. Les jeunes qui ont résisté aux violences grâce à cela étant petits se trouvent aujourd’hui  dans de bonnes conditions. »

Résister face à la violence

Lors de cette journée des enfants, c’est le courage et la détermination des jeunes d’ATD Quart Monde qui semblaient vouloir changer le monde qui ont poussé Karol à s’engager. La jeune femme y est ensuite restée 7 ans en temps qu’alliée. Ce qu’elle en a retenu ? Des moments forts, des espaces de rencontres comme jamais elle n’en a retrouvé plus tard. L’envie de ces jeunes de faire bouger les choses a toujours été soutenue par les citoyens et les « anciens » d’ATD Quart Monde. C’est cette confiance qui leur a permis de réaliser toutes les actions qu’ils souhaitaient mettre en place.

« La résistance de ces jeunes malgré la violence est un exemple pour l’international, il ne faut pas les oublier. »

C’est d’ailleurs cette violence qui la poussera à partir vers la France après une mission au Guatemala. « J’ai eu besoin de partir » raconte-t-elle. « J’avais besoin de souffler, je sentais que je ne me donnais plus de la même manière, plus de manière efficace. » C’est une décision difficile de partir, car les familles restent dans ces quartiers où la violence est très dure alors que le volontaire a le choix de le quitter. Mais à quoi cela sert de rester si l’on ne se sent pas assez bien avec nous-même pour pouvoir aider les autres ?

Engagement en tant que volontaire : 4 missions

Karol est devenue volontaire permanente au Guatemala. La jeune femme a alors « commencé une vie d’équipe qui lui [me] plaisait beaucoup. » « On prenait soin des uns des autres. On faisait ensemble, on réussissait ensemble, on se trompait ensemble » dit-elle. C’est dans ce pays qu’elle a découvert la force des femmes. Lors de visites régulières dans les quartiers violents, elle prenait des nouvelles de nombreuses mères qui élevaient seules leurs enfants et qui se battaient pour les protéger. Il y avait une grande solidarité entre les familles qui se soutenaient dans les moments difficiles.

« Tout cet amour état beau à voir malgré toute cette misère. »

Les clans ont fini par accepter les jeunes d’ATD Quart Monde qui ne cherchaient qu’à accompagner les familles dans les démarches administratives ou de santé et les enfants du quartier qui bénéficiaient d’une très mauvaise éducation scolaire.

Après 4 années au Guatemala, Karol s’est installée en France pour une mission à Méry-sur-Oise, le Centre International d’ATD Quart Monde. Après avoir connu le Mouvement en Amérique du Sud, elle souhaitait le découvrir plus globalement. « Cela a été un défi parce que je ne parlais pas français ! » confie-t-elle. « Mais je n’ai fait qu’apprendre et c’est ce qui m’a plu. En plus, en Amérique Latine on croit que la pauvreté en France n’existe pas. On avait envie de voir. »

Les 4 années suivantes se sont déroulées à Rennes au sein d’un groupe jeune. C’était une première pour Karol d’habiter dans un quartier en difficulté. Il s’agissait cette fois de créer ensemble. Créer une vie de quartier où les habitants s’impliquent et se soutiennent. Cela est notamment passé par la construction d’une image positive du quartier avec la presse locale. « Le lancement du groupe jeune c’est la meilleure mission que j’ai faite. On a commencé avec des choses simples. On a organisé des sorties à des conférences, au musée, à des expositions, à des Universités populaires. Parfois ça peut sembler banal mais il y en a qui sont tellement isolés qu’ils ne connaissent pas leur propre ville ou quartier. » explique-t-elle.

C’est à Paris que s’achève le parcours de Karol qui fête cette année 20 ans d’engagement auprès ATD Quart Monde. Elle rencontre dans la capitale une équipe formidable qui lui rappelle le Guatemala par la solidarité présente entre les membres du Mouvement et les familles. Elle s’occupe de la gestion du groupe et accueille chaque personne qui a besoin de confier ses joies et ses peines… une mission difficile et belle à la fois.

Pauvre, mais pas pour les mêmes raisons

« J’ai découvert en France le placement des enfants, le malheur, la souffrance. » explique Karol. « Les parents sont punis pour être pauvres, c’est terrible. » « En Amérique Latine on ne peut pas te prendre tes enfants. Mais finalement tu finis par les perdre d’une autre manière : ils meurent parce que tu ne peux pas leur payer de quoi les soigner, ils meurent parce que tu n’as pas les moyens de les amener à l’école et ils finissent dans des clans. » Dans les deux cas ce sont des situations où les droits fondamentaux ne sont pas respectés. « Comme Joseph Wresinski l’a dit, avant que l’enfant naisse, il subit déjà une forme de misère, c’est une manière très brutale d’exister… »

Un apprentissage continuel et des rencontres qui marquent : Olga

Le volontariat c’est de la solidarité et de magnifiques rencontres, parfois très dures. Karol a été marquée par cette femme d’Amérique Latine : Olga.

Décédée parce qu’elle n’a pas eu les moyens de se faire soigner, les médecins lui ont annoncé, devant sa fille, qu’elle allait mourir. Dans ces hôpitaux le respect et les moyens n’existent pas. En effet, face à l’incapacité de soigner la population et à la violence constante, les médecins deviennent « des robots ». Avant de quitter ce monde Olga se battait pour élever correctement ses filles alors que la famille habitait dans une décharge. Karole a suivi cette courageuse femme jusqu’à la fin pour qu’elle quitte ce monde avec dignité.

Plus gaiement : « J’apprends tout le temps. », c’est ce que retient Karol de son engagement en tant que jeune alliée puis volontaire permanente. « J’aime savoir que je peux apprendre puis transmettre ce savoir aux autres. » L’engagement à ATD Quart Monde a été son école de la vie. La jeune femme pourrait s’adapter aujourd’hui à n’importe quelle situation. Dans ces types de missions, il ne faut pas espérer arriver avec des solutions mais il faut se donner le temps et les moyens d’en construire ensemble, avec les personnes en situation de pauvreté.

Raphaëlle Jouannic

Photos : Karol