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Idées Fausses : « Les pauvres sont violents » C’est faux !

Pas si simple. Ils sont davantage victimes qu’auteurs de violence et parviennent parfois à la maîtriser mieux que d’autres.

L’étude « La misère est violence, rompre le silence, chercher la paix » menée en 2010-2011 par ATD Quart Monde et la recherche participative internationale « Les dimensions cachées de la pauvreté » ont mis en évidence que les personnes en situation de pauvreté dans les différents pays étaient plus victimes qu’auteurs de violences : « Aucun autre groupe de personnes n’est soumis à autant de violence, autant de châtiment, autant de ségrégation, autant de contrôle et autant de mépris que les personnes qui vivent dans la pauvreté[1]. » Celles-ci ne sont pas violentes de nature. Ce sont les inégalités, les injustices et la pauvreté qui constituent une violence inhumaine et attaquent les capacités des hommes, des femmes et des enfants, y compris celles de communiquer les uns avec les autres (idée fausse 4). Mais cette violence est le plus souvent ignorée par la société, qui voit surtout celle commise par les personnes[2]. La violence subie est même parfois vue comme une punition ou une fatalité par ceux qui l’endurent ; elle réduit ses victimes au silence et à l’exclusion.

Richard Wilkinson et Kate Pickett expliquent[3] que plus les inégalités sont fortes dans une société, plus elles génèrent chez les personnes les plus démunies une violence physique qui est presque toujours une réaction à l’irrespect, à l’humiliation et à la honte[4]. Mais cet enchaînement n’est pas une fatalité. Aux États-Unis, le sociologue Robert J. Sampson a montré que la violence est plus faible dans les quartiers où la cohésion sociale et la confiance sont fortes entre les habitants, qu’ils soient riches ou pauvres[5]. En France et dans d’autres pays, on peut citer de nombreuses expériences de vie partagée dans des quartiers défavorisés, mises en œuvre par des habitants, des associations, etc. On observe que ce sont les personnes en précarité qui hébergent le plus des personnes encore plus mal logées qu’elles, parce qu’elles connaissent la violence de la vie à la rue. En 2019, selon la Fondation Abbé Pierre, environ 643 000 personnes sont en hébergement contraint chez des tiers.

Les équipes d’ATD Quart Monde sont témoins quotidiennement de la force de ces liens dans des quartiers déshérités du monde entier. Ils ont permis de sauver des vies pendant l’ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans (2005), le séisme en Haïti (2010), le typhon Haiyan aux Philippines (2013) ou encore lors des violences en Centrafrique (2013-2016)[6].

[Article mis à jour en décembre 2019]

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[1] M. Sepúlveda Carmona, Rapporteur spéciale de l’ONU sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme entre 2008 et 2014, dans A.-C. Brand et B. Monje Barón (sous la dir.), La misère est violence, rompre le silence, chercher la paix, op. cit.

[2] Dans Le déchaînement du monde. Logique nouvelle de la violence (Paris, La Découverte, 2018), l’historien F. Cusset explique que la logique néolibérale exerce sur les personnes une violence à la fois sur elles, entre elles et en elles, mais que autant nous sommes autant hypersensibles à la violence interpersonnelle, autant nous sommes indifférents à ce type de violences de masse.

[3] R. Wilkinson et K. Pickett, Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous, Paris, Les Petits matins, 2013, et Pour vivre heureux, vivons égaux !, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2019.

[4]  Honte et pauvreté sont associées dans les pays développés comme dans les pays en développement : R. Walker, G. B. Kyomuhendo, E. Chase et al., « Poverty in Global Perspective : Is Shame a Common Denominator ? », Journal of Social Policy, Cambridge University Press, vol. 42, Issue 02, 2013.

[5]  R. J. Sampson, S. W. Raudenbush, F. Earls, « Neighborhoods and Violent Crime : A Multilevel Study of Collective Efficacy », Science, vol. 277, no 5328, 1997. C’est aussi le constat de A.-C. Brand et B. Monje Barón (dir.) La misère est violence, rompre le silence, chercher la paix (rapport final), op. cit.

[6] L’entraide est un comportement plus humain que la compétition, au quotidien comme aux moments de grandes catastrophes. Cf. P. Servigne, G. Chapelle, L’entraide, l’autre loi de la jungle, Paris, Les Liens qui libèrent, 2017 ; R. Solnit, A Paradise Built in Hell. The Extraordinary Communities That Arise in Disaster, London, Penguin Books, 2010. Lire aussi P. K. Piff, M. W. Kraus S. Côté, B. Hayden Cheng, D. Keltner, « Having Less, Giving More: The Influence of Social Class on Prosocial Behavior », Journal of Personality and Social Psychology, Vol. 99, 2010.