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Idées Fausses : « Les inégalités sont un mal nécessaire au fonctionnement de l’économie » C’est faux !

Faux. Mais c’est ce que l’on a pensé entre les années 1970 et 2000.

La thèse soutenue par Kuznets (encore lui) et en 1975 par Arthur Okun est que les inégalités sont indispensables à l’efficacité économique, car elles motivent les acteurs économiques et récompensent leurs talents. Pourtant, des années 1950 aux années 1970, les États-Unis, le Japon et d’autres pays ont connu une forte croissance tout en réduisant les écarts de revenus et en imposant fortement (jusqu’à 90 % !) les plus hauts revenus[1].

Suite aux travaux de Joseph Stiglitz, Robert Reich, James K. Galbraith, Atkinson et d’autres, on sait aujourd’hui que les inégalités – qui ont pris une tout autre ampleur que dans les années 1970 – nuisent à l’économie. Le Fonds monétaire international (FMI) le concède maintenant lui aussi[2](sans pour autant que cela influe beaucoup sur sa manière d’agir).

Dans La Grande fracture[3], Stiglitz identifie quatre raisons qui font que les inégalités ralentissent l’économie. D’abord, elles freinent la consommation (car les plus fortunés consomment proportionnellement moins que les classes plus défavorisées). Ensuite, ces dernières ont moins accès à l’éducation et à la formation, ne gagnent donc pas en qualifications et ne peuvent donc pas beaucoup participer à l’essor économique. Troisièmement, les recettes fiscales de l’État se réduisent (car les riches paient proportionnellement moins d’impôts que les classes moyennes) et donc son soutien à l’économie. Enfin, les inégalités accroissent l’instabilité économique (le FMI lui-même explique qu’elles peuvent mener à une crise[4]).

Non seulement trop d’inégalités nuisent à l’économie, mais elles ne se justifient ni par les performances, ni par les qualités individuelles des dirigeants de grandes entreprises[5](voir l’idée fausse 108).

La réduction des inégalités (et donc des problèmes sanitaires et sociaux qui s’ensuivent) profitedans tous les pays, non seulement aux personnes aux bas revenus, mais aussi à la société tout entière[6].

[Article mis à jour en décembre 2019]

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[1] Et la Russie post-soviétique, en n’imposant pas assez les plus hauts revenus, a créé une société oligarchique. Voir F. Novokmet, T. Piketty, G. Zucman, « From Soviets to oligarchs: inequality and property in Russia 1905-2016 », NBER Working Paper No. 23712, 2017.

[2] A. Berg, J. D. Ostry, C. G. Tsangarides, « Redistribution, Inequality, and Growth », IMF Staff Discussion Note, 2014 ; et E. Dabla-Norris, K. Kochhar, N. Suphaphiphat, F. Ricka, E. Tsounta, « Causes and Consequences of Income Inequality : A Global Perspective », op. cit.Voir aussi Standard & poor’s, « How Increasing Income Inequality Is Dampening U.S. Economic Growth, And Possible Ways To Change The Tide », 2014, et OCDE, « Focus – Inégalités et croissance », 2014.

[3] J. Stiglitz, La Grande fracture, op. cit., p. 437.

[4] M. Kumhof, R. Rancière, P. Winant, « Inequality, Leverage and Crises: The Case of Endogenous Default », IMF Working Paper, WP/13/249, nov. 2013.

[5] Voir par exemple L. Bebchuk et J. Fried, Pay Without Performance. The Unfulfilled Promise of Executive Compensation, Harvard University Press, 2004. D’autant plus qu’au-delà d’un certain seuil, le bien-être cesse de croître avec le revenu : D. Kahneman, A. Deaton, « High income improves evaluation of life but not emotional well-being », Princeton University, 2010.

[6] R. Wilkinson, K. Pickett, Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous, op. cit.Un effet des fortes inégalités : depuis 15 ans, la mortalité des Américains blancs est à la hausse chez tous les niveaux de revenus (A. Case, A. Deaton, « Rising morbidity and mortality in midlife among white non-Hispanic Americans in the 21st century », Princeton University, 2015).