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Les habitants des Trois-cités à l’initiative

Quand on propose aux gens un soutien pour agir ensemble, ils s’en emparent. Reportage à Poitiers.

En 2008, le centre socio-culturel des Trois-cités, un quartier de 12 000 habitants avec 25% de chômage, a décidé d’associer les parents à la réussite des enfants et des jeunes. Pour cela, il a travaillé avec des méthodes inspirées du croisement des savoirs d’ATD Quart Monde. « Quand on a proposé un rendez-vous à chaque famille, les gens ont cru qu’il y avait un problème avec leur enfant ! », se rappelle Marie Bouchand, animatrice au centre.

Patrick Saillier habite ici depuis huit ans. Il est l’un des 43 parents qui ont travaillé en 2014-2015 sur le Projet Éducatif de Territoire, avec des enseignants et d’autres professionnels. « Une chose a déjà changé, explique-t-il, le fait de pouvoir se parler entre parents et avec les enseignants. »

Phyniche Kissangoula, d’origine congolaise, vit dans le quartier depuis quinze ans. C’est seulement en intégrant le groupe de parents qu’elle s’est retrouvée à dialoguer avec Patrick. « On veut aider nos enfants à réussir, dit-elle, même si on n’a pas réussi nous-mêmes à l’école. J’ai un fils un peu turbulent. Souvent, on fait reposer la faute sur nous. Un jour, j’ai demandé à mes enfants : « est-ce que je suis une mauvaise mère ? »… Je ne savais plus. Il faut aussi casser le communautarisme. Dans le quartier, des clans se créent entre différentes nationalités.»

Une cinquantaine d’habitants ont travaillé avec des enseignants sur un plan d’action pour « aider ensemble les enfants qui rencontrent des difficultés. » Beaucoup ont souligné l’importance de ne pas culpabiliser les familles, alors que c’est surtout le chômage et la précarité qui empêchent les enfants d’apprendre. À la rentrée, un groupe de parents va travailler sur le sentiment d’être jugé et dévalorisé.

Depuis fin 2014, le centre expérimente, sur trois ans, un projet pour le « Développement du Pouvoir d’agir des habitants » avec quatre objectifs : outre d’associer les parents à la réussite des jeunes, aller à la rencontre des habitants les plus en difficulté, accompagner leurs initiatives sur des questions de vie quotidienne, enfin, diffuser des méthodes favorisant la participation.

« On entend que les habitants ne participent pas, explique Bafodé Diaby qui anime le projet avec Marie Bouchand. Mais le plus souvent, les professionnels se contentent de proposer un rendez-vous et d’attendre la personne. Nous, nous allons rencontrer les gens à la sortie de l’école, en bas des immeubles, le samedi matin s’il le faut… » « C’est assez nouveau, y compris pour un centre social, de considérer les habitants comme une ressource plutôt que comme des « usagers », ajoute Marie.

Des groupes de réflexion se constituent sur l’emploi, le bruit dans les immeubles, les relations de voisinage… « Les gens comprennent que le centre social ne va pas tout régler, poursuit Marie. Mais ils savent que nous allons les soutenir dans leurs projets sans peser sur leurs décisions. »

Jean-Christophe Sarrot

Photo : Carnaval autour du centre social du quartier des Trois-cités à Poitiers en février 2014.