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Les enfants acteurs de leur vie

Qu’ils soient ou non en situation de pauvreté, ce sont d’abord des enfants avec leurs potentialités, leur créativité. Il faut les écouter et faire entendre ce qu’ils vivent : ce fut au cœur de la session enfance d’ATD Quart Monde.

« C’étaient des moments très forts d’échanges, de partage, qui nous donnent la pêche ! », « Je repars avec une « valise » pleine d’idées », « C’était très riche de découvrir d’autres façons de faire, de sentir combien les enfants sont pris au sérieux », « Je connais mieux l’esprit Tapori (la branche enfants d’ATD Quart Monde), je veux me mettre davantage à l’écoute de la parole des enfants »…

Plus de quatre-vingt personnes ont participé à la session organisée par ATD Quart Monde les 26 et 27 janvier 2019 à Pierrelaye (Val-d’Oise) sur le thème « L’enfant : acteur dans sa vie ». La plupart animent des bibliothèques de rue, dans des quartiers ou des communes défavorisés et délaissés où les enfants ont peu accès aux livres. D’autres sont membres de groupes Tapori ou travaillent avec des enfants au Centre de promotion familiale du mouvement, à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis).

Échanges d’expériences

Au vu de leurs commentaires, la plupart des participants sont partis reboostés dans leurs engagements, dans l’esprit du mouvement : un enfant ne peut être enfermé dans une catégorie, riche ou pauvre, il doit être regardé au travers de ce qu’il est, de ses potentialités, de sa créativité.

Les participants ont beaucoup apprécié les échanges d’expériences en petits groupes, avec le sentiment que si chacun agit dans un cadre particulier, il existe une solidarité, une unité dans leur engagement. L’intervention de l’association « Intermèdes Robinson », adepte de la pédagogie sociale, les a confortés dans leurs pratiques : on doit privilégier l’action en extérieur, comme les bibliothèques de rue.

Les ateliers du dimanche matin – philo, théâtre-forum, haïku, photo langage, création artistique, conte, poésie – ont fourni des outils concrets. La soirée poésie a été un moment de plaisir. Avec trois mots tirés au sort, il fallait inventer un poème. Certains se sont découverts des talents cachés. Encore une idée à explorer avec les enfants.

Les deux témoignages ci-dessous illustrent la volonté, à ATD Quart Monde, de laisser s’exprimer les enfants, de les écouter et de leur ouvrir le champ des possibles.

Cercles de partage

Katia Rayel est responsable de la bibliothèque de rue d’ATD Quart Monde à Beauvais (Oise), qui se tient le dimanche après-midi dans le quartier prioritaire Argentine, au pied des ensembles du Clos Saint-Antoine. Une vingtaine de personnes – des enfants mais aussi des parents – y assistent en moyenne chaque semaine. Il est arrivé qu’il y ait plus de cinquante participants. Depuis la fin 2016, la bibliothèque de rue se termine par un « cercle de partage ». Katia Rayel explique :

« Après une heure, une heure et demie, on s’assied tous, à la même hauteur. Les règles sont que l’on ne se coupe pas la parole et que l’on ne répète pas ce que l’autre avant a dit.

On commence par les enfants car leur concentration est moindre, avec les questions les plus simples sur le sujet du jour. Les thèmes ont été choisis par les enfants ou, parfois, par les mamans. Des exemples : la misère à l’école, la violence, la guerre, la paix, la citoyenneté, le vote… On a fait deux cercles de partage sur les migrants, très riches et aussi très frustrants en raison des a priori qui se sont exprimés. Cela dure 15-20 minutes, une demi-heure au maximum. Lorsque, pour une raison exceptionnelle, nous ne pouvons pas faire la bibliothèque de rue, les enfants et leurs parents le regrettent et réclament le cercle de partage.

Ces cercles sont pour les enfants et pour les familles. On discute de sujets que l’on n’aborde pas à l’école ou à la maison. On libère la parole, on pose de vrais problèmes, on partage les solutions. Une fois, on s’est interrogé sur ce qu’est Pâques. On a beaucoup évoqué le chocolat et on est arrivé à la religion. Un jeune musulman s’est demandé pourquoi il ne fêterait pas lui aussi Pâques. C’est un échange de culture, on découvre d’autres choses. Le cercle de partage amène parents et enfants à dépasser leurs préjugés. »

Nous sommes des Tapori !

Antoinette Kantoucar, volontaire permanente d’ATD Quart Monde, est responsable du groupe Tapori, la branche enfants du mouvement, à Marseille, qui intervient dans quatre écoles de la ville. Avec quatre autres animatrices, elle se rend à l’école Bugeaud de la Belle de Mai, un quartier populaire très multiculturel.

« Nous avions les CE2 l’an dernier, nous les avons suivis en CM1. C’est une bonne chose : Tapori est comme une graine qu’on sème. Il faut l’arroser pour avoir une bonne récolte. Après un an, on voit des avancées chez nos élèves.

Nous avons 46 enfants, répartis en quatre groupes qui tournent. Les séances ont lieu le mardi de 15 heures 20 à 16 heures 30, elles sont très attendues par les enfants. Nous sommes très bien reçus par la directrice et les enseignants.

Nous avons travaillé sur une lettre Tapori parlant d’un enfant, Bismillah, qui avait quitté l’Afghanistan pour la Pologne. Nous avons beaucoup échangé, regardé la carte du monde. Les élèves ont mesuré la distance que des enfants comme eux parcourent, avec leurs familles, pour vivre en paix.

Autour de la lettre, nous faisons des activités manuelles et on organise des ateliers philos. On fait circuler un bâton de parole. Il arrive qu’un enfant refuse de le prendre de la main d’un autre enfant (avec qui il est fâché). Nous lui expliquons. Qu’est-ce qu’un groupe Tapori ? On est ami, on se respecte, l’idée vient de la tête. On dit : « Nous, nous sommes des Tapori ! »

Depuis novembre, nous partons du livre « Et l’on chercha Tortue », en particulier la phrase  » Chaque personne a de la valeur ». Les enfants nous ont dit : « Avoir de la valeur, c’est accepter que chacun ait ses idées ». Ou encore : « Que l’on soit blanc ou noir, chacun, avec ses différences, a de la valeur ». »

Dossier réalisé par Véronique Soulé. Photographies : Carmen  Martos