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Idées Fausses : « Les citoyens paient trop d’impôts » C’est faux !

Faux. On en paie moins qu’il y a quarante ans. Et on ne mesure pas assez leur utilité.

Le bon sens nous fait dire que si chacun payait moins d’impôts, on disposerait de plus de moyens pour investir et pour consommer, donc pour favoriser l’emploi. Mais cela ne doit pas conduire à sous-imposer les plus fortunés (idées fausses 106 à 111), comme c’est le cas dans la plupart des pays depuis les années 1980. Car les impôts financent des infrastructures, la création d’emplois, les services publics et la protection sociale, utiles à tous et qui sont un des moteurs de l’activité. Lorsqu’une personne qui paie des impôts peut mesurer quelle part lui revient ainsi qu’à la collectivité sous forme de biens et services publics, sa satisfaction et son bien-être augmentent[1].

La Suède impose les plus fortunés davantage qu’aux États-Unis et cela n’a pas empêché la croissance annuelle d’y être plus forte dans la période 2000-2010 : 2,31 % contre 1,85 %.

Les baisses d’impôts spectaculaires des années 1980[2]sont encore en vigueur aujourd’hui. Si le niveau d’impôts et de transferts sociaux d’il y a quarante ans était en vigueur de nos jours, les inégalités seraient 40 % plus faibles dans les pays de l’OCDE[3].

Aujourd’hui, le manque à gagner de l’impôt sur le revenu pour l’État français est de 120 à 140 milliards par an, si l’on cumule environ 40 milliards annuels de niches fiscales[4], entre 80 et 100 milliards de fraude estimée (idée fausse 30) et au moins 4 milliards dus aux baisses d’impôts depuis les années 1990[5]. Autant de moyens en moins pour les services publics et la protection sociale.

Rétablir les taux d’imposition qui avaient cours avant les années 1980 ne serait que justice[6]. Plusieurs économistes ont calculé que le taux supérieur d’imposition idéal serait environ de 60 %[7]ou 65 %[8], c’est-à-dire ces niveaux d’avant les années 1980.

Si les plus fortunés sont trop imposés, partiront-ils à l’étranger ? Pas si sûr. Dans des pays où ils ne sont pas sous-imposés, comme le Danemark, la Norvège et la Suède, la grande majorité d’entre eux ne songe pas à l’exil fiscal et fait partie des « peuples heureux »[9],parce que le pays bénéficie de services publics de qualité et connaît moins de pauvreté et d’inégalités. Le rapport « Global Wealth Report 2015 »montre que la France est encore l’un des pays qui comptent le plus de millionnaires.

[Article mis à jour en décembre 2019]

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[1] « Happy Taxpayers ? Income Taxation and Well-Being », Institute for the Study of Labor, 2012. Voir aussi W. T. Harbaugh, U. Mayr et D. R. Burghart, « Neuronal Responses to Taxation and Voluntary Giving Reveal Motives for Charitable Donations », revue Science, no 5831, 2007.

[2] En 1979, le gouvernement Thatcher a réduit le taux supérieur d’imposition des revenus du travail de 83 % à 60 %. En 1988, il est passé à 40 %. Aux États-Unis, ce taux est passé de 70 % en 1980 à 35 % ensuite, puis à 28 % en 1986. En France, le taux supérieur est passé de 65 % en 1985 à 45 % aujourd’hui. Voir aussi M. Pucci, B. Tinel, « Réductions d’impôts et dette publique : un lien à ne pas occulter », art. cit.Rappelons que le taux supérieur ne s’applique qu’à la tranche supérieure du revenu, pas à la totalité de celui-ci. Le taux moyen est donc plus faible.

[3] L. Chancel, Insoutenables inégalités, Paris, Les Petits Matins, 2017, p. 68-69

[4] Annexe au projet de loi de finances 2016. Dépenses fiscales.

[5] Estimations déjà anciennes du Rapport à l’Assemblée nationale présenté par Gilles Carrez le 30 juin 2010.

[6] Le Fonds monétaire international préconise d’ailleurs d’augmenter l’imposition dans la plupart des pays ; voir : « Fiscal Monitor. Taxing Times », World Economic and Financial Surveys, International Monetary Fund, octobre 2013.

[7] T. Piketty, E. Saez, C. Landais, La révolution fiscale. Un impôt sur le revenu pour le XXIe siècle, Paris, Le Seuil, 2011.

[8] A. B. Atkinson, Inégalités,op. cit.

[9] World Happiness Report 2013, Onu.