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« L’enfant pauvre ne fait pas confiance à l’école »

Bruno Masurel est volontaire à ATD-Quart monde. Ce Rennais s’est intéressé aux difficultés à l’école des enfants issus de la grande pauvreté. Le fossé semble se creuser entre les enseignants et les enfants pauvres. Pourquoi ?

Les enseignants ne vivent plus dans les quartiers populaires. Ils ne connaissent pas et ne côtoient pas les habitants qui y vivent. Pour entrer en contact avec eux, ils les convoquent pour leur parler des problèmes de leurs enfants. Les parents doivent alors entendre qu’ils sont démissionnaires, qu’ils ne s’occupent pas bien de leurs enfants. Comment voulez-vous que les enfants aient envie d’apprendre quand leurs parents sont exclus de l’école ? Ils ne se sentent pas chez eux. Cela ne donne pas envie de progresser.

On ne peut obliger les profs à habiter dans les cités difficiles…

Bien sûr. Mais il y a quand même un grand travail à faire. Il faut que l’école soit l’endroit où tous les enfants, quelles que soient les conditions sociales, se côtoient. C’est là que l’entraide devrait commencer. Les profs devraient dire aux autres enfants d’aider. Une société qui se construit comme ça devient solidaire et solide. Il ne faut pas avoir peur de la différence de l’autre sinon cela dérape vite. La violence dans les établissements scolaires est aussi générée par ce phénomène. Un enfant sans cesse dévalorisé peut devenir brutal.

Dans le volet formation d’ATD-Quart monde, figurent des stages pour les chefs d’établissement. Quel est le contenu ?

Les proviseurs des lycées et les principaux des collèges n’ont pas appris à parler aux parents qui ont des difficultés. Il faut changer ça. Nous leur apprenons à côtoyer la misère. La plupart sont d’ailleurs demandeurs. Ils doivent passer le message aux autres élèves qu’il ne faut pas se moquer des pauvres. Nous leur suggérons aussi d’intégrer des parents dans les activités de l’établissement, de les intégrer à l’école. Si les enfants voient leur mère ou leur père actif dans leur collège ou lycée, ils peuvent reprendre confiance et s’améliorer. La FCPE associe déjà des gens défavorisés à ses actions.

Les parents sont-ils assez avertis pour siéger dans des associations de parents ou décider des actions à mener ?

Il existe effectivement un besoin de formation des deux côtés. Parents et enseignants doivent réapprendre à dialoguer et à construire un monde plus tolérant. Avec la suppression de la carte scolaire, les ségrégations sont encore plus fortes. À Rennes, la proportion des enfants des classes les plus défavorisées est passée de 30 à 60 % dans un collège de quartier. Dans ces conditions, quelles chances ont-ils de s’en sortir ?

Interview recueillie par Serge LE LUYER et publiée dans le journal Ouest-France du 4 juin 2009.