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Idées Fausses : « Le chômage est faible aux États-Unis, en Allemagne et au Royaume-Uni. » Pas si simple !

Pas si simple. Les faibles taux de chômage officiels masquent une grande précarité en emploi et hors-emploi.

Les « pays modèles » ont quelques défauts dans la cuirasse. Le taux de chômage américain est officiellement d’environ 4 %, mais en réalité d’au moins 10 % ou 15 %[1] si l’on comptabilise tous ceux qui ont abandonné leurs recherches, découragés (et être inscrit au chômage aux États-Unis ne rapporte pas grand-chose), ainsi que les travailleurs très précaires, souvent indépendants sans l’avoir choisi, en intérim ou en sous-traitance[2]. Aux États-Unis, il suffit de travailler une heure par semaine pour n’être plus considéré comme sans emploi. La part des personnes de plus de 16 ans appartenant à la population active y avoisine les 63 %, un des taux les plus faibles de l’OCDE. Entre 2009 et 2019, le nombre d’Américains de 15 à 64 ans qui travaillent n’a progressé que de 1,15 million alors même que la population des 15-24 ans a progressé de 9,1 millions ! La population active américaine commence par ailleurs à être attaquée de façon préoccupante par les drogues[3].

La Grande-Bretagne peut également impressionner avec son taux de chômage qui avoisine les 4 %. Mais la part d’emplois précaires et de travailleurs pauvres est très importante. Il y avait, fin 2017, 1,8 million de « contrats sans garantie d’horaire »[4]. Pour la moitié de ces salariés, il s’agissait de l’occupation principale. La croissance britannique repose beaucoup sur la spéculation immobilière dans les grandes villes et sur l’activité financière de la City de Londres, plus que sur la production.

Le taux officiel de chômage allemand se situe aux alentours de 4 %. Outre la renommée de l’industrie nationale qui favorise les exportations, ce faible taux est lié à des spécificités allemandes qu’il n’est pas souhaitable de transposer dans les autres pays[5] : une très faible progression des salaires dans les années 2000 ; la croissance du travail précaire ; des sanctions très fortes imposées aux chercheurs d’emploi, par exemple obligés d’accepter de travailler pour un euro de l’heure dans un service d’intérêt public sous peine de suspension des allocations. De plus, la croissance démographique est faible en Allemagne.

[Article mis à jour en décembre 2019]

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[1] Ou même plus de 21 % en 2018, selon le Bureau of Labor Statistics cité par J. Gadrey dans « Benjamin Griveaux recalé (lui aussi) au Bac ES : « toutes les autres grandes démocraties occidentales ont réglé le problème du chômage de masse » », https://blogs.alternatives-economiques.fr/gadrey, 10 janvier 2019 (consulté en août 2019).

[2]  Voir L. F. Katz, A. B. Krueger, « The Rise and Nature of Alternative Work Arrangements in the United States, 1995-2015 », 2016. Voir aussi l’idée fausse 86 pour les critiques que l’on peut faire à la fiabilité des taux de chômage.

[3]  OCDE, Economic Surveys United States, overview, 2018.

[4]  « Contracts that do not guarantee a minimum number of hours : April 2018 », Office for National Statistics, 23 avril 2018.

[5]  Voir « Le modèle allemand est une tragédie grecque – Entretien avec Guillaume Duval » sur www.lvsl.fr (consulté en août 2019).