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Le revenu universel en débat à ATD Quart Monde

Le Mouvement lance une réflexion sur ce sujet qui revient en pleine actualité.

La question d’un revenu universel préoccupe ATD Quart Monde depuis longtemps. Dès 1980, son fondateur Joseph Wresinski évoque un revenu familial garanti, à partir de « la prise de conscience de la collectivité nationale qu’elle se doit d’assurer à chacun le minimum de moyens d’existence ». Les débats et les expérimentations qui ont précédé l’instauration du RMI (revenu minimum d’insertion) en 1988 ont permis d’affûter les arguments.

Le 31 mars dernier, la Maison Quart Monde de Montreuil a accueilli une journée de réflexion sur le sujet. Les participants ont d’abord écouté une présentation de Marc de Basquiat de l’AIRE (Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence). Puis ils ont échangé sur ce que cela impliquerait pour les plus démunis.

Avantages

Parmi les points perçus comme positifs, l’instauration d’un revenu universel est une réponse à la complexité administrative. Universel et inconditionnel, il ne nécessite aucune démarche lourde, avec peu ou pas de formulaires à remplir, pas de file d’attente, etc. Les démarches pour les allocations sont en outre souvent intrusives. Dans le formulaire du RSA (revenu de solidarité active), il est ainsi demandé depuis quand la personne « a rompu sa vie en concubinage».

Capture du 2016-06-08 14:11:06Le revenu universel pallie également les non-recours : tout le monde y a droit, sans stigmatisation. Or actuellement, une personne sur deux éligible au RSA n’en fait pas la demande. S’agissant d’un droit sans condition et sans contrepartie, il offre moins de possibilités de fraudes. La fraude revient souvent dans les discours stigmatisants des détracteurs des minimas sociaux.

Ce dispositif apporte aussi une régularité et une sécurité de revenus, essentiels pour pouvoir faire des projets de vie. Enfin, avec moins de travail administratif et de surveillance, le travailleur social peut se recentrer sur sa mission première : l’accompagnement des personnes.

Risques

Cependant, pour le Mouvement, il est important d’avoir une démarche globale d’accès aux droits fondamentaux sans oublier personne. Qu’en est-il par exemple des personnes en situation irrégulière, parmi les plus vulnérables ? Comment garantir que celles en grande difficulté soient vraiment gagnantes ? Peut-on financer le revenu universel sans toucher aux aides ? Enfin et surtout, à combien s’élèvera-t-il ?

La pauvreté dépasse la seule question matérielle. En déconnectant le revenu du droit au travail, ne court-on pas le risque de voir encore condamner davantage les plus démunis à l’inactivité forcée ? Pour le Mouvement, il faut veiller à ne pas donner l’impression d’avoir réglé le problème avec le revenu universel. La lutte contre la stigmatisation et l’exclusion doit aller bien plus loin.

D’autre part, avec un revenu universel, ne va-t-on pas assister à un glissement vers une autre forme de stigmatisation des plus pauvres ? On peut aussi craindre un effritement de ce revenu au fil du temps, notamment en raison de l’inflation, comme cela a été le cas avec le RMI, passé de 50 % du SMIC à sa création à 41% en 2012.

Enfin, dans sa conception libérale, le revenu universel est censé remplacer la protection sociale (couverture maladie, allocation logement…). Or celle-ci est essentielle aux yeux du Mouvement comme autant de filets de sécurité pour éviter de tomber dans l’extrême pauvreté.

Face aux nombreux questionnements, ATD Quart Monde a décidé de se donner du temps pour nourrir sa réflexion avant de prendre position.

Lara Fabre et Geoffrey Renimel