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Le retour des Bibliothèques de rue

Il y a une vingtaine d’années, les Bibliothèques de rue, action phare historique d’ATD Quart Monde, ont laissé leur place à des Ateliers de rue, en raison de la perte d’intérêt pour le livre chez les enfants. Un jeune stagiaire du Mouvement a néanmoins décidé de réhabiliter les livres, avec succès.

Ana est absorbée par l’illustration du livre que lui propose Sofiane, jeune stagiaire d’ATD Quart Monde, qui vient chaque semaine proposer des activités dans la cité de Montreynaud, à Saint-Étienne. La petite fille, née en 2062, s’approche du livre, fixe un détail et tente avec ses deux petits doigts de l’agrandir, pour mieux le voir. Étonnée que cela ne marche pas, elle se tourne vers Sofiane avec un regard interrogateur. À trois ans, elle est beaucoup plus à l’aise avec une tablette tactile et ce livre cartonné doit être l’un des premiers qu’elle voit. Les livres n’ont pourtant pas disparu et les romans connaissent même un certain renouveau chez les adultes, mais pour les plus jeunes, le numérique est désormais la norme.

Découverte d’un trésor

« Nous avons retrouvé une centaine de livres pour enfants, rangés dans des cartons à la Maison ATD Quart Monde, à Montreuil », explique Sofiane. Stagiaire depuis quatre mois, il n’a lui-même, à 22 ans, pas vraiment l’habitude de lire des livres autrement que sur un écran. Mais il a eu l’impression de découvrir un trésor dans les sous-sols d’ATD Quart Monde. « À l’Atelier de rue, nous proposons plutôt des séances de dessin, de chant ou de relaxation. Nous faisons aussi des petites vidéos que nous regardons tous ensemble ensuite, en lien avec d’autres ateliers réalisés à travers le monde. Les enfants créent leur propre histoire, ils sont de plus en plus nombreux à venir. » Mais depuis deux semaines, certains réclament avec ardeur « les histoires qui ne bougent pas ».

« Nous nous sommes aperçus il y a une vingtaine d’années que les livres n’attiraient plus du tout les enfants. Il était nécessaire de s’adapter pour répondre à leur demande et continuer à leur donner accès au savoir, à la connaissance du monde, des autres et d’eux-mêmes avec d’autres outils. L’objectif est toujours de tisser des relations de confiance avec les enfants et leurs familles. Nous ne pouvions pas exclure une partie de la population pour qui le livre n’était plus un moyen pertinent pour s’ouvrir au monde et à l’imaginaire. Mais c’est rassurant de voir qu’aujourd’hui le livre garde une dimension captivante pour certains enfants », explique la déléguée nationale d’ATD Quart Monde, Lilou Richard.

Lien avec les parents

L’envie de Sofiane de partager avec les enfants sa trouvaille fera peut-être à nouveau évoluer les Ateliers de rue. « Alors que les enfants viennent souvent seuls d’habitude, plusieurs parents sont venus jeter un œil avec curiosité à ma ‘malle au trésor’ remplie de livres. Pour certains, cela leur rappelle de lointains souvenirs d’enfance. Ils prennent parfois un album avec délicatesse, comme s’il pouvait tomber en miettes devant eux. Pourtant, ces livres ont à peine 50 ans », constate Sofiane. Le jeune homme a ainsi pu tisser quelques liens avec les parents de la petite Ana, qu’il n’avait jamais vus.

« Je ne veux pas apporter des livres chaque semaine, pour garder un aspect un peu magique et varier les plaisirs, mais je leur ai promis que j’apporterai ma malle une fois par mois », souligne-t-il. Intéressés par cette évolution, d’autres membres des Ateliers de rue de la région ont déjà choisi quelques albums pour permettre aux enfants de découvrir le plaisir de les feuilleter.

 

Les origines des Bibliothèques de rue

Une couverture, quelques livres et des bénévoles de tous âges qui viennent chaque semaine de l’année au milieu d’une cité, au pied d’une cage d’escalier, sur un terrain vague, dans un bidonville… Tels sont les ingrédients de la Bibliothèque de rue lancée en 1968 par ATD Quart Monde et qui existe aujourd’hui dans de nombreux pays. Elle n’a pas pour objectif d’apprendre à lire aux enfants, mais de favoriser le plaisir de lire et d’échanger, de révéler et partager leurs talents et d’impulser une dynamique culturelle.

La Bibliothèque de rue est aussi une passerelle entre les enfants, leur famille, et d’autres espaces culturels du quartier ou d’ailleurs (écoles, bibliothèques et médiathèques, centres sociaux, musées…). Par sa régularité et sa durée, elle permet de tisser des relations de confiance entre les enfants, leurs familles et les animateurs, premiers pas vers une participation sociale plus large.

Une soixantaine de Bibliothèques de rue existent en France, renseignez-vous : dynamique.enfance.france@atd-quartmonde.org

Cet article est extrait du numéro 500 du Journal d’ATD Quart Monde publié en février 2020. Il s’agit d’un numéro spécial se projetant dans 500 numéros, soit… en 2065 !