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Laurent Voulzy : « Pour moi, faire de la politique, c’est être allié d’ATD Quart Monde ».

Laurent Voulzy sera au concert « Agir en scène » à l’Olympia, le soir du 17 octobre 2017. Une semaine avant ce concert événement, il répond à nos questions.

Il y a quelques années, vous avez participé à des universités populaires Quart Monde, pour mieux comprendre ce que vivent les personnes en grande précarité… Quel souvenir gardez-vous de ces rencontres ?

Ce sont des moments extrêmement importants dans ma vie. J’ai découvert des gens qui ont énormément de difficultés à surmonter au quotidien et qui, malgré cela, viennent à l’université populaire parler de questions qui ne concernent pas que leurs problèmes personnels. Ils parlent de questions comme l’Europe, l’enfance, l’éducation…  qui nous concernent tous, mais dont nous-mêmes, au fond, on se préoccupe peu. On s’occupe surtout de nos propres affaires, et eux travaillent sur ces grandes questions.
Ces personnes que l’on dit « marginalisées » sont là avec tout le monde et font partie de ce qu’on appelle la « société civile ».
J’ai aussi assisté à des événements dramatiques, comme le jour où une femme a expliqué que les services sociaux avaient enlevé ses enfants.

Et vous avez écrit une chanson pour ATD Quart Monde…

Le père Joseph Wresinski me l’avait demandé fin 1986, en me disant : « il y a deux choses que les gens qui vivent dans la misère ont perdues : l’espoir et la dignité ».
Pendant longtemps, j’ai résisté. Je ne voyais pas quelle légitimité j’avais. Tout le monde peut dire « je suis contre la misère ». Et je ne veux pas être un porte-drapeau. Alors j’ai proposé à ATD Quart Monde d’aller plutôt à la rencontre d’enfants dans des quartiers défavorisés, pour faire de la musique avec eux. ATD m’a répondu : « allez dans les quartiers si vous voulez, mais écrivez cette chanson. » J’ai fini par écrire la chanson « Jésus ».
Et j’ai continué d’aller à ces universités populaires Quart Monde, j’ai participé à un séminaire avec des universitaires et des personnes vivant dans la pauvreté, j’ai rencontré des familles vivant dans différents pays… À chaque fois que je vais dans un pays où ATD Quart Monde est présent, ATD me dit : « va voir untel ou untel ! » Et quand on m’a sollicité pour parler de tout cela dans les médias, j’ai toujours répondu présent.

… Et 30 ans plus tard, vous avez répondu présent à notre demande de chanter à l’Olympia pour la 30ème journée mondiale du refus de la misère. Et vous avez souhaité que ce soir-là il y ait plein d’artistes sur scène…

Oui… Si un jour vous me demandez de faire un concert tout seul pour ATD Quart Monde, je le ferai avec plaisir ! Mais pour ce 17 octobre, je trouve bien que des artistes de toutes générations viennent. Alain Souchon a aussi confirmé sa venue(1), et peut-être d’autres amis encore…

Quelle place peuvent avoir les artistes dans la lutte contre la pauvreté ? D’aider les gens à garder espoir et dignité, et aussi l’espoir que la société peut changer ?

Oui. Les artistes sont fédérateurs – pas seulement les chanteurs, aussi la peinture, la sculpture, etc. On se fédère autour d’une œuvre d’art. On peut ressentir une émotion et tout le monde ressent la même émotion.
En même temps, une parole de quelqu’un qui est apprécié des gens peut être partagée par d’autres. Je pense qu’il vaut mieux parler que se taire. Je n’ai jamais pris parti pour un parti politique. Quand on me demande si je fais de la politique, je dis : « je suis un allié d’ATD Quart Monde »… La force des artistes est d’attirer des gens et d’avoir une audience. Ça peut compter parfois. Une chanson, une parole, c’est une goutte d’eau, mais c’est important quand même. Ça a changé ma vie de rencontrer brièvement Joseph Wresinski, Geneviève de Gaulle, de connaître Françoise et Claude Ferrand(2) et des personnes qu’ils m’ont fait approcher. Ils m’ont emmené chez des familles qui vivent dans le plus grand dénuement et qui m’ont reçu chez elles. Je me souviens d’un monsieur qui peignait des tableaux sur des cartons ; il m’a donné son plus beau tableau.

Ça veut dire qu’on peut continuer de compter sur vous ?

Au bout de 30 ans, je peux dire que je suis engagé à vie avec ATD Quart Monde !

Propos recueillis par Jean-Christophe Sarrot

Notes

(1) En 1980, Laurent Voulzy et Alain Souchon montaient pour la première fois sur la scène de l’Olympia, pour deux chansons.
(2) Volontaires permanents d’ATD Quart Monde.

Photo : Laurent Voulzy au festival des Vieilles Charrues en 2016