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Les Visages d’ATD Quart Monde – Laetitia Lamour : avec ceux qu’on entend le moins

Laetitia Lamour, 25 ans, a passé un an et demi dans l’équipe de promotion familiale d’ATD Quart Monde à Lille. Elle quittera le Mouvement fin août, riche d’une expérience qu’elle veut transposer dans sa future vie professionnelle.

Laetitia Lamour, c’est d’abord un rire éclatant, clair et franc qui ponctue ses phrases et illumine ses yeux bleus. Pourtant, quand elle se projette fin août, un voile obscurcit un instant cette gaieté. « J’aurai un pincement au cœur, c’est sûr… », avoue-t-elle à l’évocation de son départ du volontariat permanent d’ATD Quart Monde, un an et demi après l’avoir rejoint.

Son premier contact, Laetitia s’en souvient parfaitement. Un BEP sanitaire et social et une formation d’AMP (aide médico-psychologique) l’avaient amenée à travailler dans des foyers de vie accueillant des personnes sortant d’hôpitaux psychiatriques. Puis, avide de découvrir le monde, Laetitia avait contacté des associations dans l’espoir de rejoindre un projet à l’étranger. La réponse reçue de la part d’ATD Quart Monde avait été claire : « Dans ce mail, on me disait que la misère existait à côté de chez nous, qu’il n’était pas nécessaire d’aller au bout du monde pour s’engager. Ça m’a fait réfléchir ! » Dans la foulée, Laetitia s’inscrit aux trois week-ends découverte d’ATD Quart Monde, où ce qu’elle entend résonne en elle : « Une chose en particulier m’avait interpellée, c’est d’entendre que si on soutenait les familles, il était possible d’éviter les placements pour les enfants.  Ça a fait écho à ma propre histoire. Ça a été déterminant. » Pourtant, l’envie de découvrir d’autres cultures est alors plus fort que tout. Sac au dos, Laetitia s’envole vers l’Afrique pour participer à un premier projet solidaire, la construction d’une école. Puis ce sera le sud de l’Inde avec une autre association. Mais la petite graine semée par la réponse d’ATD Quart Monde continue de germer durant ces voyages. À son retour d’Inde, elle décide de s’y engager.

Ce que n’avait pas anticipé Laetitia avant de signer, c’est la mobilité demandée aux volontaires permanents. C’est donc un peu étonnée qu’elle s’est retrouvée à Lille en mars 2013. Surprise qui a vite cédé face à la chaleur du Nord. « Les gens se parlent, partout, dans la rue, dans les transports… C’est vraiment accueillant. » Au sein de l’équipe de promotion familiale, elle travaille à un projet pilote qui vise à rejoindre les familles les plus éloignées en créant une dynamique de quartier avec d’autres structures et associations. Elle participe également aux autres actions : festival des arts et des savoirs, bibliothèques de rue, colportage de livres et de jeux au sein des familles, campagne des droits de l’enfant… Au cours de ses missions, Laetitia découvre non sans étonnement de nouvelles méthodes : « Dans le travail, j’avais l’habitude qu’on me demande d’effectuer des tâches précises. J’ai découvert qu’on pouvait aussi partir à l’aventure, juste pour essayer de nouer des contacts en improvisant. Ne pas imposer une dynamique, mais impulser des choses pour donner envie, en tenant compte des aspirations et du rythme des personnes, dans une approche collective et aussi individuelle. À ATD Quart Monde, on apprend à s’adapter, à prendre son temps ». Mieux encore, elle découvre une éthique d’écoute de la parole de ceux qu’on entend le moins, qui correspond avec la perception de la vie que lui a laissée son enfance. Placée en foyer très jeune tout comme son frère et sa sœur, Laetitia garde le sentiment que les choses auraient pu être différentes. « On n’a pas vraiment laissé le choix à mes parents. Mon père a fini par se résoudre à cette situation parce qu’on lui répétait sans arrêt que c’était mieux pour nous. À force, il a fini par le croire. On a détruit une famille et on l’a murée dans le silence. Qui a vraiment cherché à aider mes parents, sans les juger ? » Réponse : personne. Cette injustice fondatrice, Laetitia essaye de ne pas la reproduire dans son approche des familles. « J’ai une sensibilité particulière aux parents ; j’essaie de les écouter, de les respecter tels qu’ils sont, de valoriser le positif, parce qu’il y a toujours du positif. Le système social parle de « protection de l’enfant. » Mais mon enfance m’a appris qu’il faut aussi protéger les parents. »

Un an et demi après, la jeune volontaire ne regrette rien de son engagement. « Cela m’a aidée à m’ouvrir, à oser aller vers les autres, à établir de vraies relations de personne à personne. » Malgré tout, la distance avec ses proches qu’impose son travail à Lille devenait trop importante au fil des mois et Laetitia a décidé de retourner vivre à Lyon. « J’ai fait mes expériences, je me dis qu’il faut maintenant que je sois présente pour les miens. C’est un pincement, mais je pars avec un bagage bien rempli… » Si elle ne sait pas encore quel métier elle exercera dans sa ville natale, elle y retourne avec la conviction qu’il faut exporter les méthodes d’ATD Quart Monde, notamment sa faculté à s’adapter aux réalités du terrain et à apporter du soutien, sans juger ni chercher à faire rentrer les familles dans des normes. « Cette démarche me porte énormément. Je veux maintenant la transposer en tant que simple citoyenne, au quotidien… Et puis on ne quitte jamais vraiment ATD Quart Monde. À Lyon, je vais sûrement rejoindre le Mouvement en tant qu’alliée ! » Olivier Chartier