Entrez votre recherche ci-dessous :

L’accompagnement vers le droit aux vacances

ATD Quart Monde est engagé depuis de nombreuses années dans un combat pour que le droit aux vacances devienne une réalité pour toutes et tous. Saandia Soufiane, volontaire permanente et co-responsable du Département vacances, explique comment le Mouvement peut participer aux dépenses engagées et à la construction d’un projet de vacances.

Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur les vacances d’été ?

Jusqu’à la mi-juin environ, nous n’avions reçu aucun projet de financement pour les vacances. Il y avait une réelle crainte par rapport au virus. Il y avait aussi une question financière : d’habitude, les porteurs de projets incitent les familles à mettre un peu de côté tous les mois ou à solliciter des aides autour d’eux, notamment auprès des départements et des régions. Mais, cette année, nous n’avons pas eu ce temps-là. La maison de vacances familiales d’ATD Quart Monde de La Bise, dans le Jura, a également dû réinventer de nouvelles manières de faire, mettre en place un protocole pour respecter les distances et n’accueillir que trois familles en même temps, au lieu de cinq.

Mais avec le contexte sanitaire, l’ANCV (Agence nationale pour les chèques vacances) a assoupli les critères d’attribution des chèques vacances. Habituellement, ces chèques ne pouvaient financer que des séjours de quatre nuitées minimum. Cet été, c’est une nuitée minimum, afin de permettre à un plus grand nombre de personnes de partir, parfois sur plusieurs week-ends. Et les chèques vacances peuvent également dépasser les 80 % de prise en charge du financement d’un séjour de vacances prévus avant la crise. Finalement, nous avons reçu à la dernière minute beaucoup de projets de vacances pour des familles et des jeunes et, entre juin et août, près de 300 personnes vont pouvoir partir.

Comment se passe la constitution d’un dossier de financement de vacances ?

Quand une personne manifeste son envie de partir en vacances, les alliés ou volontaires permanents d’ATD Quart Monde dans les groupes locaux deviennent porteurs de projet et réfléchissent avec elle pour construire le projet : quelle sorte de vacances souhaite-t-elle ? À quelle période et à quel endroit ? Est-elle autonome ? Certaines personnes ne sont jamais parties en vacances et veulent aller dans un lieu où elles sentiront moins de pression que dans un immense camping par exemple. Le Département vacances peut les conseiller sur la destination, mais aussi la saison. Beaucoup veulent en priorité aller à la mer l’été, dans le Sud, mais c’est souvent plus cher et il y a du monde, ce qui est parfois plus anxiogène que reposant. Pour les premiers séjours, nous proposons souvent la maison de vacances familiales de la Bise. Nous incitons aussi à penser aux autres périodes de vacances dans l’année, car nous ne pouvons pas répondre à toutes les demandes l’été.

Une fois que le lieu est trouvé, le porteur de projet nous soumet un budget. Pour les familles, il peut y avoir les aides de la CAF et certains départements ou régions peuvent apporter des financements supplémentaires. Une fois que nous avons cherché toutes les possibilités de financement et que nous avons déterminé avec la personne ou la famille sa contribution financière, qui, même symbolique, est obligatoire, nous évaluons ce qu’il reste à financer afin de solder la réservation et les transports et de s’assurer que quelques loisirs sur place seront possibles.

Une vingtaine de groupes locaux nous ont sollicité cette année, un chiffre largement supérieur aux années précédentes, ce qui est positif, car cela montre qu’ils se saisissent du dispositif.

Comment se déroule la convention avec l’ANCV ?

Cette année, nous avions une dotation initiale de 53 000 euros, qui a été épuisée en un mois à peine, et nous avons demandé une dotation supplémentaire de 30 000 euros. Nous mettons donc des chèques vacances à disposition des familles, des adultes seuls et des jeunes. Grâce à cette enveloppe, nous finançons les projets portés par les groupes locaux du Mouvement, mais aussi par une quinzaine d’associations partenaires, plus petites, comme le prévoit la convention.

Les bénéficiaires ne peuvent pas déposer une demande eux-mêmes, ils doivent avoir une structure derrière eux, car l’objectif n’est pas seulement d’assurer le financement du transport ou du séjour sur place, mais d’avoir un véritable processus d’accompagnement vers le droit aux vacances. Nous accompagnons les personnes vers davantage d’autonomie pour qu’elles se saisissent, au fur et à mesure, des démarches pour monter un projet de vacances, trouver un lieu, réserver les billets…

Beaucoup de jeunes sont-ils concernés par ces aides ?

Cet été, une trentaine de jeunes vont pouvoir partir en vacances grâce à ce dispositif, contre une dizaine l’année dernière. Les groupes locaux ont senti le besoin des jeunes de sortir de chez eux après le confinement. Les projets sont souvent constitués pour plusieurs jeunes à la fois. Cela permet de constituer une dynamique de groupe, d’embarquer le jeune dans un projet, de le préparer tous ensemble en amont, de le vivre et de l’évaluer ensuite. Les jeunes peuvent ainsi se projeter ensuite dans d’autres activités à faire ensemble. Ils sentent qu’ils appartiennent à un groupe.

Comment se déroule l’accompagnement des vacanciers ?

Il varie beaucoup en fonction de l’autonomie des personnes. Certaines sont très à l’aise pour partir et savent qu’elle peuvent appeler leur référent en cas de besoin pendant le séjour. D’autres ont besoin d’aide pour changer de gare à Paris par exemple, d’autres encore souhaitent qu’on les accompagne jusqu’au lieu de séjour. Pour certaines vacances avec des associations partenaires, comme 82-4000 Solidaires, les accompagnants montent les projets avec les personnes et partent vivre le séjour avec elles.

Pour tous, l’idée est d’avoir un accompagnement global, qui ne s’arrête pas aux vacances en elles-mêmes, mais qui se poursuit au retour, afin de voir ce que cela a apporté à la personne, ce qui a été difficile, ce qui a fonctionné ou non… Nous mobilisons les équipes d’ATD Quart Monde pour recueillir la parole des personnes et voir ce que le fait de partir en vacances leur apporte.

Que disent les vacanciers à leur retour ?

Les personnes en situation de pauvreté ont souvent peur de partir en vacances : peur d’un lieu inconnu, avec des personnes que l’on ne connaît pas et qui ne seraient pas forcément bienveillantes, peur de ne pas savoir s’insérer dans la vie d’un camping, de ne pas savoir comment faire sur le lieu de vacances… Il y a aussi des craintes par rapport au fait de quitter son propre habitat. Certaines personnes ont été sans domicile pendant longtemps et, alors qu’elles ont enfin un logement, elles gardent la peur de ne pas retrouver leur logement à leur retour. Beaucoup ne sont jamais parties, n’osent même pas parler de vacances, car elles pensent qu’elles n’y ont pas droit, qu’elles ne peuvent pas se le permettre, qu’il y a tellement de difficultés à gérer avant de parler des vacances… Il y a beaucoup de freins et c’est un gros travail pour les porteurs de projet d’accompagner ces personnes vers l’idée qu’elles ont aussi le droit de prendre des vacances et que c’est important.

Dès qu’une personne revient de ses vacances avec de bons souvenirs, cela donne à d’autres l’envie d’essayer. Après le premier séjour de cet été à La Bise, un adolescent a remercié l’équipe en disant qu’il n’avait jamais vu sa mère aussi souriante. Une maman a indiqué : « Je me suis retrouvée comme chez moi, on s’est rencontré vraiment ». Les vacances donnent l’opportunité de se reposer, de se retrouver en famille autrement, loin des obligations quotidiennes habituelles, souvent lourdes. Certains parents découvrent leurs enfants différemment, en les voyant jouer avec d’autres, faire des activités. Des adultes reviennent fiers d’avoir réussi à s’insérer sur leur lieu de vacances, à tisser des liens. Propos recueillis par Julie Clair-Robelet

 

Pour s’inscrire à l’un des séjours organisés toute l’année à La Bise ou en savoir plus sur la maison de vacances familiales :  vacances.familiales.labise@atd-quartmonde.org

Pour toutes autres questions, contactez le Département vacances d’ATD Quart Monde au  01 42 46 81 85 ou departement.vacances@atd-quartmonde.org 

 

Photos : Famille P. de l’Essonne, en vacances au camping Azureva de Pornichet pendant l’été 2019. /Groupe jeunes de Noisy-le-Grand en vacances en Bretagne lors des vacances d’octobre 2019./ Famille M., de l’Essonne, au camping de l’Atlantique à Angles pendant l’été 2019.