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La participation citoyenne : un long chemin

Sept ans après la création des conseils citoyens, ATD Quart Monde a mené une étude sur ces instances censées « favoriser l’expression de la parole des habitants des quartiers ».

Ouvrir un nouvel espace d’expression pour les habitants. Tel était l’un des objectifs des conseils citoyens créés en 2014 dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Pour ATD Quart Monde, ce dispositif représentait alors une chance à saisir pour permettre aux personnes en situation de pauvreté de faire entendre leurs voix et de peser sur les décisions prises dans leurs quartiers. En avril dernier, le Mouvement a lancé une étude pour comprendre comment ces conseils intègrent ou non tous les citoyens. Trente personnes vivant dans 23 quartiers prioritaires ont ainsi été interrogées, dont 26 membres d’ATD Quart Monde. D’Angers à Boulogne-sur-Mer, en passant par Dijon, Rochefort, Tarbes ou encore Épernay, le fonctionnement des conseils citoyens a été analysé pour voir si cela correspondait aux attentes initiales. Un séminaire sur la participation citoyenne a également réuni 14 personnes ayant répondu à cette enquête les 25 et 26 septembre derniers.

Sept ans après la création de ce dispositif, « nous voyons que la participation des habitants est possible, y compris celle des habitants en situation de pauvreté. Mais il y a quand même encore beaucoup de chemin à faire », constate Florence Bernard, membre de l’équipe des Ateliers du Croisement des savoirs et des pratiques d’ATD Quart Monde, qui a coordonné l’étude et qui anime elle-même un conseil citoyen.

Quatre thèmes principaux sont ressortis des entretiens : le recrutement et la composition du conseil citoyen ; ses liens avec le quartier ; son animation ; son rôle et son impact pour les habitants des quartiers. Le premier constat est que le conseil citoyen « n’arrive pas à toucher des personnes qui sont éloignées d’habitude de ce genre d’instances », souligne Charlotte Laurent, stagiaire de l’équipe du Croisement des savoirs et des pratiques, qui a mené les entretiens.

Interrogations sur le tirage au sort

Les conseillers citoyens interrogés constatent ainsi que les personnes en situation de pauvreté ne sont pas souvent représentées. Ils évoquent « la difficulté de prendre la parole en public », « la complexité des thèmes abordés ou le niveau de langage de certains participants ». L’utilisation d’Internet pour envoyer les invitations et les comptes-rendus peut également exclure les personnes ne maîtrisant pas le numérique ou n’ayant pas le matériel nécessaire.

Les habitants membres des conseils citoyens sont en outre, en majorité, membres d’associations, du conseil de quartier, ou encore du centre social. La loi prévoyait pourtant l’utilisation du tirage au sort pour les désigner et ainsi permettre à des personnes peu ou pas impliquées dans le quartier de participer. Dans les faits, la plupart des membres ont été volontaires. « Quand les gens sont tirés au sort, ils reçoivent un courrier, mais cela ne suffit pas à les faire venir », explique Florence Bernard. Le tirage au sort des citoyens ne semble donc pas être la solution idéale. « Les listes de tirage au sort ne sont pas du tout représentatives du quartier. Il s’agit des listes électorales, qui excluent de fait les étrangers, ou celles des bailleurs, qui excluent les jeunes, alors que ces derniers sont invités à participer dès 16 ans », ajoute Charlotte Laurent.

Et pourtant, après avoir exploré le sujet, les membres de l’étude ont constaté que le tirage au sort pouvait avoir des effets positifs, à condition que ses modalités soient encadrées. « Il faut réfléchir aux listes sur lesquelles on se base, mais aussi se donner les moyens d’aller rencontrer les personnes tirées au sort, les informer de ce qu’est un conseil citoyen et leur donner envie de participer en valorisant ce qui est fait », détaille Florence Bernard.

Cet accompagnement pourrait, en partie, être assuré par l’animateur, dont le rôle semble crucial. La majorité des conseils citoyens étudiés sont animés par des salariés de l’agglomération ou de la mairie. Dans d’autres, l’animation est assurée par le directeur du centre social, une association ou des habitants. Les animateurs n’ont pas nécessairement été formés. Dix personnes interrogées décrivent ainsi une animation inexistante ou qui ne fonctionne pas bien. L’étude montre pourtant qu’une animation « bienveillante, à l’écoute et stable est nécessaire pour permettre aux personnes les plus éloignées de la participation citoyenne de prendre part aux conseils citoyens ». L’animateur « peut donner la parole à ceux qui ne parlent pas spontanément, c’est lui aussi qui fait respecter un cadre pour que les gens se sentent à l’aise, respectés. Il peut faire attention au vocabulaire utilisé pour que les échanges soient compris de tous », souligne Charlotte Laurent.

Faire une place aux citoyens

Les thèmes évoqués lors des conseils citoyens sont, par ailleurs, très vastes. À l’ordre du jour, on trouve aussi bien les services publics, la santé, que la fête du quartier. « Certains membres sont venus avant tout pour créer du lien entre les habitants et souvent ils sont fiers d’avoir participé à l’animation du quartier. Mais quand ils travaillent plusieurs mois sur l’absence de bus ou de pharmacies, cela n’aboutit pas toujours et peut être démotivant », explique Florence Bernard. Le conseil citoyen dialogue directement avec les élus, ce qui peut permettre d’impulser des projets importants pour le quartier.

Mais les personnes interrogées préconisent un travail plus régulier avec d’autres institutions, comme l’Agence régionale de santé par exemple, pour faire avancer des problématiques qui touchent les habitants au quotidien. « On demande à des gens de venir bénévolement deux heures par mois. S’ils ne se sentent pas utiles pour leur quartier, il est évident qu’ils n’ont pas envie de rester. Mais il faut que les décideurs soient prêts à faire une place aux citoyens dans l’analyse des problèmes, les propositions et la mise en œuvre des projets. Si ceux qui ont le pouvoir ne sont pas prêts à le partager, cela ne fonctionne pas », soulignent les auteurs de l’étude.

Florence Bernard constate que, depuis leur création, des efforts ont été réalisés pour former les habitants, leur expliquer ce qu’est la politique de la ville et comment fonctionne un conseil citoyen. « Mais les élus et les professionnels ont, eux aussi, besoin de se former pour travailler avec les habitants. S’ils pouvaient se former tous ensemble, ce serait une avancée. » ATD Quart Monde espère maintenant que cette analyse des conseils citoyens sera prise en compte lors de l’écriture, en 2022, de la prochaine loi de programmation de la politique de la ville, pour permettre une participation réelle de tous les habitants.

 

Téléchargez l’étude
« État des lieux et propositions d’ATD Quart Monde sur la participation des personnes les plus éloignées dans les conseils citoyens »

 

Cet article est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de décembre 2021.

Illustration : © Freepik