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La parole aux premiers salariés des Entreprises à But d’Emploi (1/2)

Gérard, 61 ans, à mi temps à La Fabrique, l’entreprise à but d’emploi (EBE) de Bulligny (Meurthe-et-Moselle).

« J’ai connu le projet dans une réunion à la salle des fêtes de Crézilles. Exploitant agricole, je suis partant pour tout ce qui développe le territoire. Mon idée a été retenue : remettre en valeur des terrains abandonnés.

Le maire de Favières nous a mis à disposition un hectare en friche. Il le destinait aux habitants. Mais beaucoup sont partis avec la fermeture de la scierie. La semaine prochaine, on va planter des oignons. L’idée, c’est de produire des légumes bios et de fournir des cantines par exemple.

Ce matin, j’ai rencontré près du terrain un habitant à qui j’ai parlé de notre projet de conserverie. Il m’a dit qu’il avait un hectare de mirabelliers, qu’il en prenait pour lui et que le reste il nous le laissait.

Tout ça avance dans les idées. Après, il faut les réaliser. Quand on plante un arbre, il n’est pas grand tout de suite, il faut lui laisser le temps de pousser.  »

Chantal, 58 ans, à plein temps à La Fabrique.

 » En 2015, on a reçu une lettre pour nous inviter à une réunion. On nous a présenté le projet, puis on a eu un entretien. C’était formidable d’être invitée ! Au moins il y en a qui faisaient attention à nous.

J’ai été vendeuse en boulangerie, à Proxy, employée de péage… Au départ, ce qui m’intéressait, c’était la ressourcerie. Finalement, je suis en Mobilisation. On rappelle les gens contactés pour le projet. On les invite à des réunions. Ils sont contents qu’on les rappelle.

On est tous partis dans une aventure, on a envie de voir prospérer l’entreprise pour rendre leur dignité aux gens, on est bienveillants les uns avec les autres et ça, ça n’est pas dans n’importe quelle entreprise.  »

Geneviève, 53 ans, à plein temps à La Fabrique.

 » J’ai été responsable des bourses à Sciences Po Paris mais j’ai dû partir. J’ai voulu me reconvertir. Je suis venue ici pour apprendre à souffler le verre. Mais il faut tenir la canne huit heures par jour, j’ai renoncé. Ensuite, ça a été difficile.

Quand j’ai connu le projet, ça a été un électrochoc. Je me suis dit que je ne pouvais pas rater ça. A La Fabrique, je lance un groupe de travail sur le management collaboratif pour voir comment accompagner chaque salarié, la formation, etc. Car l’expérimentation, c’est nous.

Ce que j’admire le plus ici, c’est la bienveillance. Tous les jours, je me dis quelle chance j’ai. »

Julien, 28 ans, à plein temps à La Fabrique.

 » Je suis cuisinier au départ. Ici je suis chargé, avec deux autres salariés, du parc matériel de la Communauté de communes – chapiteaux, podiums, barrières… Quand il y a une fête de village, on apporte les tentes et les stands. Ca me plaît.

J’ai beau m’être arrêté au BEP, j’ai un bagage culturel, je m’intéresse à plein de choses. Je fais des devis, je parle avec des maires, avec des clients et je m’en sors pas trop mal.

Ici, on est sur un pied d’égalité, ça change d’une boîte où les gens arrivent le matin en faisant la tronche. Quand on reprend le boulot, on en profite plus. Je me suis remis à la guitare après cinq ans d’arrêt. »

Valérie, 43 ans, à mi temps à TEZEA, l’entreprise à but d’emploi de Pipriac et Saint Ganton (Ille-et-Vilaine)

 » J’étais dans l’aide à domicile. Mais j’ai dû arrêter à cause d’une maladie. Là, je suis au Secrétariat-Accueil. Je fais des lettres quand la recyclerie a besoin de matériel, je fais un peu de ménage dans une entreprise informatique et dans les bureaux d’un garage, je vais surveiller le midi à l’école de Saint Ganton, etc.

Quand je cherchais du travail, on me demandait pourquoi j’avais été licenciée. Je répondais : par inaptitude. Ici, on laisse la chance à tous, on ne juge pas. Retravailler, à côté du salaire, c’est être plus intégrée à la société.

Tout ce que je peux accumuler ici en formation comme une remise à niveau informatique, je le fais, pour avoir des cordes à mon arc. Il y a une bonne ambiance. Pour mon anniversaire, j’ai apporté des crêpes avec du Nutella et des confitures.  »

Véronique Soulé

A lire

L’entreprise réinventée
Gérard Desmedt, 2012, Éd. de l’Atelier- Éd. Quart Monde, 144 p., 17€
L’aventure de TAE (Travailler et Apprendre Ensemble), l’entreprise solidaire d’ATD Quart Monde créée en 2002 à Noisy-le-Grand. Des personnes ayant connu des galères et d’autres au parcours classique expérimentent un autre fonctionnement du monde du travail, respectueux de la dignité de chacun. Et ça marche !

Chômage, précarité : halte aux idées reçues
Coordonné par Jean-François Yon, 2016, Éd. de l’Atelier, 240 p., 10 €
Un ouvrage collectif qui présente des expériences novatrices portées par 25 organisations et montre des chômeurs, acteurs et citoyens. ATD Quart Monde y présente le projet Territoires zéro chômeur de longue durée

Photo : Travailleurs de La Fabrique à Crézilles en Meurthe-et-Moselle (photo Carmen Martos ATD QM)