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Journal d'ATD Quart Monde n° Juin.2014

Habiter et créer des liens

Éditorial du journal

C’est un acte humain, souvent bien difficile, mais inévitable. Souvent, on juge inconsciemment, en quelques secondes. Mais c’est aussi un métier : un juge parvient à un jugement après avoir étudié des dizaines de documents et avoir écouté plusieurs personnes. Lors d’une session européenne d’ATD Quart Monde qui rassemblait des juristes, des militants ayant l’expérience de la pauvreté et d’autres citoyens solidaires, nous avons répondu à la question « Juger, qu’est-ce que cela évoque pour vous ? » Les réponses étaient contrastées : « Être jugé, c’est être détruit, anéanti par une autre personne. » « Juger, c’est tenter d’être objectif et neutre, bien examiner, méditer, puis prendre une décision juste. » J’étais déconcerté. Parlions-nous de la même chose ? La seconde citation indique que pour juger correctement, il faut faire un effort afin de bien comprendre une situation. Le fait-on toujours ? Apparemment non, parce que les personnes ayant l’expérience de la pauvreté sont nombreuses à dire qu’elles ne sont pas comprises. Et être jugé sans être compris est violent. On peut se sentir détruits, anéantis. Juger en ayant inévitablement des informations incomplètes, c’est toujours marcher sur un fil. « Mais le juge est bien obligé de le faire et il se sent souvent seul », disait un participant à cette session. Je n’ai jamais oublié cette boulangère de mon enfance que je jugeais méchante parce qu’elle ne souriait pas. Ma maman, en m’en disant plus sur elle, me l’avait fait regarder autrement. Quand une famille en situation de pauvreté se rend au tribunal, va-t-elle oser dire ce qu’elle doit dire pour que l’avocat et le juge la comprennent ? Il faudrait qu’elle ait du temps, qu’elle puisse mettre par écrit son point de vue dans le dossier, qu’elle puisse peut-être aussi être accompagnée pendant les entretiens par une tierce personne en qui elle a confiance. Des améliorations sont à apporter dans le fonctionnement de la justice. Mais – souvenons-nous de ma boulangère – c’est aussi la vivacité de notre jugement quotidien qu’il faut corriger pour mieux comprendre l’autre. Dans un groupe de jeunes rassemblés par ATD Quart Monde en Île-de-France, il y a du savoir faire :   Karim, l’un d’eux, disait : « Lors de nos rencontres, j’ose parler de tous sujets, on n’est pas jugés. » Cela m’a donné très envie d’apprendre avec eux !
Bert Luyts, Délégué national adjoint d’ATD Quart Monde en France 

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