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Jérôme Decuq, du collectif « Apprendre ensemble » à Paris : « Les parents ne doivent pas avoir peur »

Jérôme Decuq est l’un des animateurs du collectif « Apprendre ensemble » (1), créé l’an dernier dans le 18ème arrondissement, un quartier au nord de Paris qui garde de grandes poches de pauvreté. Les parents du collectif veulent faire vivre la mixité sociale dans les écoles et en finir avec les « collèges ghettos ».

Malgré un contexte général marqué par le repli sur soi, ils ne sont pas les seuls en France à se battre ainsi. Au printemps dernier, les mères du Petit-Bard à Montpellier, un quartier peuplé d’habitants en majorité d’origine marocaine, ont occupé les écoles de leurs enfants pour exiger une plus grande diversité sociale et culturelle en classe.

Jérôme Decuq raconte comment l’idée du collectif est née et pourquoi il croit en cette action.

« Si l’on regarde notre arrondissement, il compte 200 000 habitants, avec environ 20% de logements sociaux et 20 à 25% d’enfants issus de milieux défavorisés. Il n’y a pas de raisons que sur les 14 collèges, il y en ait 6 qui soient fuis et qui accueillent jusqu’à 80% d’élèves défavorisés.

Rassurer et informer les parents

Ca commence à la maternelle. On ne va pas à telle maternelle, par exemple située près de la porte de Clignancourt… Il faut éviter que la peur gagne. Avant de décider, les parents doivent d’abord être informés et entendre le retour d’autres parents. Il faut que tous ces gens se voient. Ils sauront alors qu’ils ne sont pas seuls. Et si tout le monde y va, il n’y a aucun souci.

Dès la rentrée, nous allons organiser des réunions. Des parents qui ont des enfants dans telle école ou telle maternelle vont raconter ce qu’ils y vivent à d’autres, dont les enfants y sont affectés ou vont l’être, et qui ont peur de les y envoyer. Il faut rassurer, lever les craintes. C’est un sujet très sensible.

Notre objectif : constituer un vaste réseau avec des parents ayant des enfants dans toutes les maternelles et les primaires de l’arrondissement, en tout cas dans la partie concernée par le manque de mixité scolaire, c’est-à-dire le nord et le nord-ouest. Nous avons déjà pas mal de contacts – 70 à 80 parents répartis dans 25 écoles.

Du courage politique

Il y a un problème de carte scolaire (qui répartit les élèves dans les établissements selon le lieu d’habitation, ndlr). Depuis un certain temps déjà, la ministre Najat Vallaud-Belkacem parle de créer des « secteurs multi collèges ». Nous, on en voudrait dans notre quartier : au lieu d’être affectés au collège de son secteur comme aujourd’hui, les élèves d’un secteur seraient répartis sur deux collèges, chacun ne devant pas accueillir plus de 25% de boursiers.

Il faudrait aller voir le privé aussi, car c’est un moyen de contourner. Cela ne coûterait strictement rien. Seulement un peu de courage politique.

La mixité… pour les autres

Les gens disent souvent que la mixité, c’est bien, mais dans les faits, c’est bien pour les autres… Or je le vois dans mon métier. Je suis prof depuis treize ans en éducation prioritaire en Seine-Saint-Denis. Je vois des petits Afghans arriver. C’est formidable ce qu’ils apprennent de leurs copains.

Il faut agir localement. Si on peut pousser des choses comme ça, montrer que c’est possible, ce serait bien. Ce qu’il faudrait, c’est que cela parte des parents et des citoyens, puis que cela se propage et que les politiques suivent… Sans mixité à l’école, comment s’étonner des problèmes du vivre ensemble ? »

Recueilli par Véronique Soulé

(1) www.collectif-apprendre-ensemble.fr