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Jean et Séraphine à Lyon : une volonté commune de lutter contre les discriminations

A ATD Quart Monde, les volontaires permanents sont parfois amenés à quitter leur pays pour s’engager dans d’autres régions du monde. Nous sommes habitués aux français qui vont dans des pays du sud, mais parfois le chemin se fait aussi en sens inverse : rencontre avec Jean et Séraphine, volontaires malgaches arrivés récemment à Lyon.

C’est dans la grande avenue Paul Santy dans le 8e arrondissement de Lyon, qu’habitent Jean et Séraphine, à plusieurs milliers de kilomètres de leur pays d’origine, Madagascar.

Originaires de la région de Tuléar dans le sud-ouest du pays, le couple s’est installé début septembre à Lyon avec ses deux enfants, Xavier et Andy. Volontaires depuis plusieurs années à ATD Quart Monde, c’est la première fois qu’ils intègrent une équipe locale en France, après deux ans passés au centre international à Méry-sur-Oise.

Le parcours de Jean dans le mouvement commence en 2001 lorsque le leader de son quartier lui demande de venir avec son groupe de musique pour le 17 octobre, « j’ai ensuite été invité à participer à l’évaluation de cette journée ; j’avais déjà entendu les témoignages des personnes, et j’ai été convaincu de rejoindre ATD ». Jean se remémore ainsi les mots d’une maman qui disait : « je n’ai pas beaucoup de moyens mais je partage mon savoir et mon expérience avec les autres mamans qui ont plus de difficultés que moi ».  Rapidement il rejoint l’équipe locale d’animation en tant que jeune allié, puis s’engage dans le volontariat en 2009 : « voir les étrangers venir dans mon pays pour participer au refus de la pauvreté, ça m’a interrogé sur ma propre participation à la société, auprès de tous. J’ai trouvé que le courage et la force des familles  pour lutter au quotidien contre la pauvreté était important. Elles doivent être reconnues pour ce combat ».

A Madagascar, Jean a d’abord été présent dans le quartier Antohomadinika où agit le Mouvement pour accompagner les familles, puis il a rejoint l’équipe du projet MMM (Miasa Mianatra Miaraka), un dispositif du type Travailler et Apprendre Ensemble visant à former des personnes en grande pauvreté pour qu’elles puissent vivre de leur travail.

De son côté, Séraphine a découvert ATD Quart Monde grâce à son frère. Elle aussi avait été sollicitée pour venir aider lors d’une journée du refus de la misère. Elle n’a été bénévole que le temps d’une journée et pourtant elle s’est laissé surprendre par les capacités insoupçonnées des familles : « il y avait une exposition des familles qui faisaient des broderies ; j’ai découvert que les gens pauvres aussi pouvaient faire des belles choses et ça m’a interpellé ». A la suite de cette prise de conscience, elle s’engage en tant qu’alliée, participe à la bibliothèque de la rue, mobilise des jeunes… Surtout, elle vit dans le quartier où le couple est installé, au milieu des personnes très pauvres. Les gens qui ont besoin de conseils prennent l’habitude de venir la voir pour discuter et être soutenu. Finalement, elle rejoint également le volontariat en 2014 avant de partir avec Jean et les enfants vers la France.

A  Madagascar, Jean et Séraphine étaient présents auprès des personnes avec des vies difficiles. A Lyon ils continueront cette action de présence mais dans un autre contexte : le mouvement leur a demandé de s’installer dans le quartier Langlet-Santy à Lyon, d’y vivre pour aller à la rencontre des personnes les plus exclues.

Jean et Séraphine sont motivés par la rencontre : ils veulent découvrir la vie des familles pauvres en France, comprendre le contexte de cette pauvreté dans un pays développé.

Quand on leur demande ce que signifie pour eux une action de présence dans le quartier, Jean répond en citant un autre volontaire, André Modave : « l’important ce n’est pas de faire une action, l’important ça peut aussi être de s’asseoir à côté de quelqu’un pour l’écouter, ils ont besoin de ça».

Deux mois après leur arrivée, le couple installe donc sa présence dans le quartier petit à petit. L’école des enfants bien sûr est un lieu propice à la rencontre, mais Jean et Séraphine affectionnent particulièrement le square, pourtant loin de chez eux, situé au pied des tours de Langlet Santy. Ce parc a mauvaise réputation alors la famille met un point d’honneur à y être présente régulièrement en fin d’après midi. Avec le froid et la pluie, le climat local ne facilite pas toujours l’assiduité, mais ils persévèrent et espèrent ainsi provoquer une réflexion chez les habitants. « Notre présence c’est aussi pour constater et lutter contre ces discriminations quotidiennes. On espère qu’un jour on engagera la discussion avec les habitants du quartier qui en ont une mauvaise image. »

Les débuts ne sont pas simples : il y a la barrière de la langue, le mauvais temps qui ne favorise pas les rencontres extérieures… Heureusement, pour les soutenir dans leur installation, de nombreux autres membres du Mouvement répondent à l’appel. Jean et Séraphine évoquent la chance qu’ils ont d’être entourés et du travail déjà accomplis dont ils peuvent bénéficier, notamment par Yves et Élodie, volontaires arrivés il y a une année.

Séraphine a pu aller à la maison de Rodolphe, un centre d’accueil de jour géré par Notre Dame des Sans Abris, où ATD Quart Monde intervient depuis plusieurs année. Là-bas elle y retrouve une pauvreté comme elle a connue à Madagascar : des personnes en grande exclusion mal habillées et avec des problèmes psychiatriques ; une découverte déconcertante. Elle s’étonne également que dans le centre social où elle prend des cours de Français elle ne rencontre que quelques femmes des tours voisines. Elle ne parvient pas à s’expliquer pourquoi les gens ne participent pas davantage et voudrait en comprendre les raisons…

Dans cette action de présence dans un quartier populaire de France, Jean et Séraphine iront à la rencontre des personnes les plus exclues, cherchant derrière la misère apparente les signes des solidarités qui se mettent en place. Nul doute qu’ils en trouveront et que leur expérience enrichira le mouvement du refus de la misère.