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« Je ne me situe plus face à la personne que je reçois mais à ses cotés »

Hélène Massé est assistante sociale au CCAS de Perpignan. Les 9 et 10 avril, elle a participé à l’IRTS Languedoc Roussillon aux deux jours de croisement des savoirs avec 14 étudiants de deuxième année. Revenons avec Hélène sur sa première participation à une co-formation.

Hélène, comment décririez-vous la réalité professionnelle de votre métier  d’assistante sociale ?

Exercer le métier de travailleur social, être en contact quotidien avec des personnes en difficulté, en situation de précarité est quelque chose de difficile. Même si c’est un choix au départ, si on est passionné par ce métier, si on aime être en relation avec l’autre… On constate tous qu’après des années de pratique les choses s’abîment, on se fatigue, on s’épuise. On peut même se retrouver en souffrance.
Après 15 années de pratique, je sentais 2 sentiments se manifester en moi : un sentiment de saturation et un sentiment de frustration.
Saturation, car il est compliqué d’entendre chaque jour les difficultés exprimées par les personnes : les échecs, les problèmes, les loupés, les manques, la pauvreté, la maltraitance, …
Frustration, car il est douloureux de ne pas pouvoir y répondre, de ne pas pouvoir résoudre ces difficultés et trouver des solutions aux problèmes qui nous sont posés.
A ce stade-là, exercer peut devenir difficile. J’avais, pour ma part, l’impression de me prendre en pleine figure les difficultés des personnes et d’être impuissante. Cela me faisait violence ! Je pouvais alors ressentir un sentiment de mal être et parfois même un sentiment de rejet à l’égard des personnes (le comble pour un travailleur social !)
Alors, j’ai eu l’opportunité de vivre une co-formation par le croisement des savoirs en 2015 et cette expérience a été bénéfique pour ma pratique.

 

Que vous a apporté cette co-formation ?

Cela m’a amené à considérer les personnes en situation de pauvreté autrement et à considérer mon intervention autrement.
Cela m’a permis …simplement… de me décaler.
Grâce à cette expérience de croisement des savoirs, j’ai pu opérer simplement un déplacement :
je ne me situe plus face à la personne que je reçois (symboliquement) mais à ses cotés.
Et ce décalage change tout, car je ne me sens plus visée, attaquée, agressée par les problèmes des personnes mais dans une posture de co-construction, de coopération, d’alliance.
Je me sens mieux, je suis plus apaisée, la personne le ressent, je ne lui renvoie plus inconsciemment des signes de saturation et de frustration. Je pense que dans mon attitude, mon regard, les mots simples que j’emploie, dans le temps que je consacre à expliquer et partager mes connaissances la personne sent qu’elle compte et… que je compte sur elle.
La personne accueillie voit que je me questionne, que je la mobilise, que je recherche avec elle des pistes d’amélioration, qu’on est associées pour atteindre un objectif.
Les enjeux sont différents, la relation s’en trouve donc modifiée.
Je pense qu’on a tout à y gagner, personnes accueillies et professionnels.