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Idées Fausses : « Il vaut mieux placer les enfants pauvres » C’est faux !

Faux. Le plus souvent, d’autres solutions que le placement existent, qui permettent de mieux préserver l’enfant et sa famille.

On entend parfois dire que placer les enfants des familles en précarité leur permettrait de connaître une vie meilleure ou d’échapper à la maltraitance de leurs parents[1]. S’il y a maltraitance avérée, l’éloignement est bien sûr nécessaire, mais nous avons vu (idée fausse 35) que ces parents n’étaient en moyenne pas plus maltraitants que d’autres. Une étude menée en 2014-2015 sur trois départements de l’ancienne région Rhône-Alpes « montre que les trois quarts des placements sont de l’ordre de carences éducatives, et que seulement un quart concernent de la maltraitance. Comment agir quand les professionnels imputent les difficultés familiales à une carence éducative alors que ces difficultés sont d’abord le fait de conditions de vie indignes[2] ? »

Les stratégies qui assurent le meilleur avenir à ces enfants ne sont pas celles qui visent au placement immédiat, mais celles qui tentent de préserver la cellule familiale en soutenant les parents dans leurs responsabilités et en visant de meilleures conditions de vie[3]. En effet, pour se construire, un enfant a besoin de grandir dans un environnement stable. Le fait d’avoir été placé dans son enfance augmente par exemple le risque d’être sans-abri plus tard ; 40 % des personnes sans domicile âgées de 18 à 24 ans sortiraient du dispositif de l’aide sociale à l’enfance[4].

Dans son « Avis sur le droit au respect de la vie privée et familiale et les placements d’enfants en France » de 2013, la Commission nationale consultative des droits de l’homme constate que la France est un des pays d’Europe où le taux de placement est le plus élevé.

La Cour européenne des droits de l’homme a condamné à plusieurs reprises des États pour avoir décidé abusivement d’un placement ou pour n’avoir pas mis en œuvre, lorsqu’il était justifié, les conditions respectant le droit des parents et des enfants au maintien de relations familiales. Cette jurisprudence s’impose aux juges français[5].

La loi française propose un grand éventail de réponses pour apporter aux familles « l’aide appropriée » (article 18 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant) dans l’exercice de la responsabilité éducative : soutiens aux parents, aide à la gestion du budget familial, mesures d’accompagnement à domicile, etc. Il y a aussi les actions de soutien à la parentalité mises en œuvre par des communes, des associations, le voisinage, etc. Lorsque l’enfant est jugé en danger, il existe de nombreuses alternatives au placement, souvent ignorées des familles, voire des professionnels.

La Cour des comptes constate que « six milliards d’euros sont dépensés chaque année [par l’aide sociale à l’enfance] de façon empirique sans que l’on cherche à contrôler les acteurs de la protection de l’enfance, ni à connaître l’efficacité de ces interventions[6] ». Une telle somme ne pourrait-elle pas être utilisée pour soutenir davantage les familles ?

[Article mis à jour en décembre 2019]

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[1] Dans certains pays, des programmes publics et privés de grandes envergures ont séparé des enfants de familles démunies et les États ont présenté récemment des excuses publiques : en 2014 en France, pour le déplacement d’enfants réunionnais vers la métropole dans les années 1960-1970 ; en 2013 en Suisse, pour des placements et des stérilisations forcés des années 1920 aux années 1970 ; en 2013 en Irlande, pour les placements de filles-mères dans les « blanchisseries Madeleine » pendant deux siècles. Aux USA, des « trains d’orphelins » – qui n’étaient pas tous orphelins – ont déplacé vers l’ouest des dizaines de milliers d’enfants entre 1854 et 1929.

[2]  MRIE  « Conditions de vie des familles dont les enfants sont en situation de placement : Quels éléments dans les dossiers des services de protection de l’enfance ? », 2016.

[3] P. Naves, B. Cathala et J.-M. Deparis, « Accueils provisoires et placements d’enfants et d’adolescents : des décisions qui mettent à l’épreuve le système français de protection de l’enfance et de la famille », 2000.

[4] Voir J.-M. Firdion et I. Parizot, « Le placement durant l’enfance et le risque d’exposition aux violences à l’âge adulte » dans Violences et santé en France. État des lieux, Paris, La Documentation française, 2010, et J.-M. Firdion, « Influence des événements de jeunesse et héritage social au sein de la population des utilisateurs des services d’aide aux sans-domicile », Insee, 2006.

[5] Par exemple arrêts « Olsson contre Suède », « McMichael contre Royaume-Uni », « Wallova et Walla contre République tchèque », « Eriksson contre Suède », « Kützner contre Allemagne », « Hasse contre Allemagne », « A. D. et O. D. contre Royaume-Uni », « Moser contre Autriche ». Voir aussi M.-C. Renoux, Réussir la protection de l’enfance, Ivry-sur-Seine, Éd. de l’Atelier/Éd. Quart Monde, 2008.

[6] Rapport de la Cour des comptes « La protection de l’enfance », octobre 2009.