
« Il n’y a pas assez de travail pour tout le monde » : Faux
Intervenants du 28 mai 2015 au débat sur l’emploi dans le cadre des Rencontres 2015 STOP aux idées fausses sur les pauvres: Jean Gadrey, économiste et membre du réseau alternatif Attac ; Dominique Potier, député de Meurthe et Moselle et entrepreneur ; Patrick Valentin, membre d’ATD Quart monde et auteur du projet « Territoires Zéro chômeur de longue durée », et des personnes en recherche d’emploi impliquées dans ce projet.
Invités : Jean Rouffiac, entrepreneur dans la Nièvre ; Carlos Rodriguez, travailleur handicapé au chômage depuis quatre ans ;
Journaliste animatrice : Eugénie Barbezat
Relisez les principaux échanges du débat
Le chômeur fraudeur et feignant, une idée reçue ?
Pour Jean Gadrey, cette idée répandue et fausse a été construite par des décennies de chômage massif. La robotique est un faux problème et l’informatisation du monde qui annonçait la fin des emplois dans les années 1980 ne s’est pas vérifiée. L’économiste résume sa position : le facteur de production est et sera l’humain, et non le robot. Il couvrira pléthore de besoins économiques, industriels et sociaux en jachère : personnes âgées, petite enfance, espaces verts, transports etc. qui vont être expérimentés.
En Meurthe et Moselle, fief de Dominique Potier qui a vécu en direct la fermeture de l’usine Michelin et qui mesure l’ampleur des besoins en main d’œuvre dans le machinisme agricole, le député déplore la carence des services sociaux qui freine considérablement la mobilité des chômeurs pour répondre à l’offre patronale locale.
Issu du milieu patronal de l’industrie métallurgique où dès les années 1970, on savait qu’il n’y aurait pas d’emploi pour tout le monde, Patrick Valentin raconte, lui, avoir basculé dans l’économie solidaire et il rapporte son expérience de la création des CAT (Centres d’aide au travail). Son crédo : un enfant à l’école communale, un emploi pour le citoyen.
Non moins sensible est le témoignage de Carlos Rodriguez qui souffre du regard humiliant sur son statut de chômeur, blessé par tous ses refus aux offres d’emploi depuis 4 ans. Ce couvreur charpentier de formation milite à ATD Quart Monde – bien décidé d’en finir avec la maltraitance collective.
Mais y a-t-il du travail pour tout le monde ?
Il ressort des échanges entre les intervenants et des micro expériences locales exposées que pour atteindre l’ objectif d’un travail pour tous, son concept doit être nouveau. Sa copie contractuelle doit être revue et corrigée à la lumière notamment des inventaires des compétences acquises et le seul produit de l’entreprise doit être la fabrique d’emplois. Ces entreprises dites « paradoxales » pourront être de tous types, sociétés, associations, fondations…

Les moyens d’une expérience locale zéro chômeur de longue durée ?
L’Etat doit transférer des fonds aux structures créées, le projet devant être une opération financière blanche pour le contribuable. On sait qu’un chômeur coûte à la société environ 15 000 € par an. Cette somme sera ainsi transférée au nouvel actif rémunéré sur la base du smic horaire, en CDI et à temps choisi. Seule obligation contractuelle du salarié : rester inscrit à Pôle Emploi afin de ne pas faire concurrence aux offres parallèles d’emplois des recruteurs potentiels inscrits à Pôle Emploi.
Ce dispositif, initié par Patrick Valentin grâce à la loi constitutionnelle d’expérimentation de 2003, est testé sur des petits territoires d’environ 5000 habitants. Aucune formation n’est requise pour bénéficier de ce dispositif, l’idée étant de valoriser le formidable réservoir de compétences acquises par tout un chacun. Cela a suscité des critiques dans la salle, s’agissant notamment de la carence de formation des auxiliaires de vie à domicile. Mais pour le responsable du projet qui retrace la genèse de cette aventure et qui affirme que la société prend plus de risques à ne pas bouger qu’à se mobiliser, ce n’est pas la formation qui pose problème, mais la pénurie d’emplois.
Dominique Potier indique avoir demandé que le Medef soit présent dans son comité de pilotage. De son côté, Jean Rouffiac, entrepreneur dans la Nièvre, est de ceux qui veulent tout essayer avant de s’avouer vaincu. Il rapporte son expérience au sein d’une association locale créatrice d’une trentaine d’emplois et qu’il fait évoluer vers une coopérative d’intérêt collectif.
Geneviève Meunier