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Il faut tout un quartier pour élever un enfant

Un proverbe africain dit qu’il faut un village pour élever un enfant. Mais dans les quartiers défavorisés, comment les parents peuvent-ils faire face aux mauvais jugements et être soutenus dans leur rôle d’éducateurs ?

La misère atteint les parents dans leur confiance en eux et dans leurs capacités éducatives. Elle les empêche de transmettre à leurs enfants leurs valeurs, leur courage et leur intelligence. Comment permettre à chaque enfant de se construire avec l’expérience et l’intelligence de ses parents et de son milieu ? Comment les parents peuvent-ils retrouver une légitimité pour transmettre leur expérience et leurs valeurs ?
En 2008, ATD Quart Monde a lancé dans le quartier de Fives à Lille une action de promotion familiale, sociale et culturelle avec le soutien des associations de protection de l’enfance, de l’ADSSEAD (Association De Services Spécialisés pour Enfants et Adolescents en Difficulté), l’AGSS-UDAF (Association et Gestion des Services Spécialisés de l’Union Départementale des Associations Familiales) et de l’association Espace de Vie. Son objectif est de renforcer les capacités des personnes en grande précarité à être en lien avec d’autres, à soutenir ou à compter sur d’autres, y compris au sein de leur propre famille. Cette action implique de nombreux acteurs et partenaires, outre les parents et les enfants eux-mêmes : le Conseil général, la Ville de Lille, la Communauté urbaine, le Conseil régional, les bailleurs et associations oeuvrant pour le logement, l’Éducation Nationale, la CAF, les centres sociaux Salengro et Mosaïque, les associations de protection de l’enfance et les associations du quartier.

Été 2012. Atelier mosaïques dans la cour de la résidence « Les Jardins de Fives » (ph. ATD Quart Monde)
Été 2012. Atelier mosaïques dans la cour de la résidence « Les Jardins de Fives » (ph. ATD Quart Monde)

Différentes actions sont menées avec les habitants pour permettre leur participation à la vie du quartier, pour développer la parentalité, renforcer la mixité sociale, améliorer l’accès au droit, la réussite éducative et les relations entre parents, professionnels et enseignants.
« À travers vous, on se rencontre entre nous », dit un parent du quartier. « On ne se connaissait pas avant de participer à la préparation de l’animation. On s’était déjà croisé, mais sans se parler », confirme une habitante.
« Il y a quelque chose de plus que le manque de confiance ou de fierté comme frein à la participation, c’est l’intériorisation du sentiment d’être moins que rien, de n’être pas capable », explique une volontaire permanente d’ATD Quart Monde. La réussite scolaire de leurs enfants est une aspiration très forte des familles rencontrées dans le projet, mais aussi un lieu où les parents se retrouvent parfois en difficulté. C’est sur tous ces terrains que l’action de promotion familiale, sociale et culturelle permet des avancées jour après jour à Fives.

Stéphanie, professeure des écoles
« Des paroles peuvent être blessantes »

Stéphanie Smagghe enseigne en CM2 dans l’école Bara-Cabanis à Fives. C’est sa directrice qui lui a proposé de participer avec sa classe à la campagne Tapori 2013 (voir page 5).
« Il est très facile pour les enfants de se glisser dans la peau de Valéria, explique Stéphanie. Lorsque l’on a joué l’histoire dans la classe, c’était comme un moment suspendu. Les enfants ont réalisé que des paroles pouvaient être blessantes. Un vendredi sur trois, nous invitons les parents à passer une heure dans la classe. Ils ont pu eux aussi découvrir l’histoire de Valéria. Tout cela n’a pas réglé du jour au lendemain tous les problèmes dans la classe. Mais quand des problèmes arrivent, cela nous permet de dire : « Rappelle-toi Valéria. » »

Le 6 décembre 2013 dans la classe de CM2 de Stéphanie Smagghe (ph. ATD Quart Monde). Les élèves ré-interprètent à leur façon les rôles de la pièce pour changer le cours de l'histoire de Valéria et lui venir en aide.
Le 6 décembre 2013 dans la classe de CM2 de Stéphanie Smagghe (ph. ATD Quart Monde). Les élèves ré-interprètent à leur façon les rôles de la pièce pour changer le cours de l’histoire de Valéria et lui venir en aide.

Changer le regard
La campagne Tapori 2013 sur les droits de l’enfant était axée sur le thème « Changer le regard », à partir de l’histoire vraie de Valéria (Voir bit.ly/1c1odiT L’histoire de Valéria est tirée du livre Les cinq pierres dorées (Éditions Quart Monde). Voir aussi www.tapori.org/site/Valeria,750.html Tapori est la branche enfance d’ATD Quart Monde).
Valéria porte de grosses lunettes. À l’école, des enfants l’appellent « oeil de crapaud ». Elle brise alors ses lunettes, mais ne parvient plus à lire ce qui est écrit au tableau et heurte d’autres élèves qui la croient maladroite et méchante. Elle ne veut plus retourner à l’école…
Les décors et animations qui ont servi à présenter l’histoire de Valéria à plus de 1000 enfants dans 44 classes et centres sociaux du quartier – souvent en présence de parents – ont été conçus par des parents habitant Lille-Fives. Après un échange autour de l’histoire, les enfants étaient invités à concevoir des « machines à changer le regard ».
D’année en année, l’implication des parents et des enseignants dans cette campagne ne cesse de progresser.