
Idées fausses : « Il faut obliger les bénéficiaires du RSA à faire du bénévolat » C’est faux !
Non. Ce discours masque les vrais problèmes.
Cette proposition, qui repose apparemment sur du bon sens (« On n’a rien sans rien », ou bien encore « ça permettrait aux bénéficiaires du RSA de garder contact avec la vie active »), diffuse en réalité le message que les bénéficiaires du RSA seraient des oisifs qu’il faudrait obliger à travailler. Or un quart à un tiers travaillent déjà. Benjamin Griveaux, alors vice-président du conseil général de Saône-et-Loire, remarquait : « En 2010, sur le 1,4 million d’allocataires du RSA socle, 450 000 exerçaient une activité dans les secteurs marchands et non marchands dans le cadre des contrats uniques d’insertion. Concrètement, la surveillance des sorties d’école, l’entretien de locaux administratifs dans les collectivités ou l’accueil dans les services publics sont déjà assurés, en partie, par des personnes bénéficiant du RSA. Remplacer ces contrats rémunérés, qui ouvrent droit à des cotisations retraite et chômage, par des heures de travail obligatoires et gratuites est injuste socialement et inefficace économiquement(1). »
Les chercheurs Dominique Méda et Bernard Gomel rappellent qu’à l’origine, le RMI n’a pas instauré de relation « donnant-donnant » avec le bénéficiaire. Ils citent le sociologue Jean-Claude Barbier : « La circulaire d’application des dispositions d’insertion [circulaire DIRMI no 93-04 du 27 mars 1993] précise que ‘‘l’engagement du bénéficiaire dans les actions d’insertion n’est pas la contrepartie de l’allocation » ; il en est seulement une condition que le législateur a entouré de réelles garanties pour les personnes concernées(2) ». Le contrat d’insertion RMI n’était pas la contrepartie du versement de l’allocation, mais signalait au contraire l’obligation faite à la société de tout mettre en œuvre pour insérer l’allocataire. On a ainsi glissé peu à peu vers l’idée que le RMI, puis le RSA, est une aide qui se mérite, une aide réservée aux « bons pauvres » qui remplissent leur devoir.
Dans son Rapport 2009-2010, l’ONPES s’interroge « sur la nature du contrat d’insertion qui, d’un prolongement du droit à l’allocation de chômage ou au revenu minimum, a évolué vers une condition pour la perception de telles allocations(3). Cette condition, outre le fait qu’elle peut contribuer à stigmatiser les allocataires des minima sociaux, masque le caractère structurel du fonctionnement du marché du travail qui tend à exclure les plus fragiles ». Pour Dominique Méda et Bernard Gomel, le fonctionnement du RSA est la consécration d’un message trompeur qui remonte aux politiques d’activation des dépenses sociales depuis la fin des années 1990 : notre système de protection sociale devrait s’adapter à la « nouvelle réalité » du marché du travail, selon laquelle « l’emploi acceptable est un quart de temps et une heure d’emploi vaut mieux que l’assistance, pour les finances de l’État et pour les individus eux-mêmes. L’activité quelle qu’elle soit vaut mieux que l’inactivité, tel est le message véhiculé(4) ».
Il est plus facile de demander aux personnes en précarité de se remettre en cause, plutôt que de s’interroger sur la généralisation de l’emploi précaire et de réfléchir aux moyens de créer des emplois pérennes. Cette dernière question ne concerne pas que les employeurs publics et privés, mais aussi chacun de nous en tant que salarié, consommateur, élu, actionnaire, etc. (voir aussi l’idée reçue « les pauvres ont des droits mais aussi des devoirs »).
Notes
1B. Griveaux, Salauds de pauvres !, Paris, Fayard, 2012.
2J.-C. Barbier, « Comparer insertion sociale et workfare ? », in La Contrepartie : les expériences nationales, RFAS, no 4, 1996, cité dans D. Méda, B. Gomel, Le RSA, innovation ou réforme technocratique ? Premiers enseignements d’une monographie départementale, Centre d’études de l’emploi, 2011.
3M. Borgetto, « L’activation de la solidarité : d’hier à aujourd’hui », Droit social, no 11, 2009.
4D. Méda, B. Gomel, Le RSA, innovation ou réforme technocratique ?, op. cit.