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« Il faut aller vers les autres, sans rien attendre en retour »

Membre du groupe jeunes d’ATD Quart Monde de Lunéville depuis une dizaine d’années, Diego Gillet a participé à la rencontre européenne, du 7 au 11 juillet.

Casquette vissée sur la tête et grand sourire aux lèvres, Diego passe de groupe en groupe pour se présenter et voir si quelqu’un a besoin d’aide. Cela ne fait que quelques heures qu’il est arrivé à Méry-sur-Oise pour la rencontre européenne des jeunes et il s’étonne lui-même de la facilité avec laquelle il va vers les autres. « Aujourd’hui, je me sens à l’aise avec tout le monde. J’ai discuté avec des gens qui ne parlaient même pas français et on s’est quand même compris », constate-t-il, soulagé. Il avoue en effet que ce rassemblement le stressait un peu. « J’ai tout le temps peur de m’énerver pour un rien, même si je sais me contrôler maintenant. Mais tout se passe bien, il ne faut pas se faire des films avant d’y être. »

À 26 ans, Diego analyse son parcours avec une grande lucidité. « Avant, j’étais violent, j’étais dans l’alcool, la drogue… Je ne faisais que des bêtises. Je ne savais pas gérer le regard des autres sur moi, je tapais tout de suite. Je ne veux plus être celui que j’étais, ça fait trop souffrir les gens. » Il privilégie désormais le dialogue et n’hésite pas à s’interposer pour éviter des bagarres. Pendant ces cinq jours passés avec une centaine de jeunes venus de toute l’Europe, il s’est attaché à aller vers ceux qui restaient à l’écart et a été très touché par les échanges avec chacun sur leurs vécus et leurs expériences.

Montrer l’exemple

Cela fait une dizaine d’années qu’il connaît ATD Quart Monde, rencontré lors d’une journée familiale au sein du quartier Georges de la Tour, à Lunéville. « Ça m’a aidé à sortir de la délinquance, à ouvrir les yeux sur le monde et à changer un peu ma vision de la vie. Je me suis dit : ‘pourquoi eux ils pourraient aider le monde et pas moi ?’ Alors, j’essaye d’aider aussi », explique-t-il. Présent à quasiment chaque sortie du groupe jeunes mené par Laurent Lehuen, allié du Mouvement, Diego veut « se sentir utile ». Il part donc régulièrement à la recherche de nouveaux jeunes, pour leur proposer les activités et les accompagner dans leur découverte d’ATD Quart Monde.

Cette responsabilité le rend fier. « J’essaye maintenant de montrer l’exemple aux autres. Je sais ce que c’est d’aller mal et de garder tout pour soi. Il faut aller vers les autres, oser, sans rien attendre en retour », précise-t-il. Il a ainsi fait de belles rencontres, comme en 2017, lors du rassemblement européen du Mouvement aux Pays-Bas, ou encore en 2019 lors de l’ascension du sommet du Castor, dans les Alpes, avec l’association 82-4000 Solidaires. « J’ai repoussé mes limites et je l’ai gravi, sans abandonner. C’étaient des instants magiques, avec des gens que je n’oublierai jamais », se souvient-il.

« Pour mon rôle de papa »

Aujourd’hui Diego est déterminé à faire valoir ses droits et à montrer l’exemple à son fils de 7 ans. « Je ne veux pas que mon enfant connaisse les mêmes difficultés que moi. Je vais faire les démarches pour avoir le RSA, la Complémentaire santé solidaire et un compte bancaire. Avant, pour moi, l’argent, ce n’était qu’un bout de papier, ce n’était pas mon souci. Maintenant, je sais que c’est important pour avoir son autonomie et un logement à soi. »

Ce projet est pour lui un nouveau sommet à gravir. Ayant vécu ces dernières années « à droite à gauche », il a en effet perdu ses papiers au fil des déménagements successifs. Il doit désormais tout renouveler et ces démarches ne sont pas simples. « Il y a toujours une hésitation. Il faut trouver le bon accompagnement pour aller dans les administrations, parler leur langage, ne pas se vexer devant leur regard et rester calme, de peur que ça nous retombe dessus. » Il sent qu’il est désormais prêt. « Il faut que je le fasse pour m’en sortir et pour mon rôle de papa. Si on a des droits, ce n’est pas pour rien, il faut s’en servir. » Diego aimerait aussi aider ses parents à trouver un logement à eux, « au lieu d’être tous entassés dans un appartement ».

Il attend désormais avec impatience le moment où son fils pourra « marcher à ses côtés » au sein du Mouvement. « J’aimerais qu’il aide le monde. On a besoin de personnes comme toutes celles qui sont ici avec ATD Quart Monde. Je ne savais pas qu’il y avait des membres dans autant de pays, comme en Espagne ou en Irlande. Je suis content que les actions aillent aussi loin que ça. Je veux que ça continue, de génération en génération. » Julie Clair-Robelet

Ce portrait est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de septembre 2022.

Photo : Diego Gillet, à l’occasion de la rencontre européenne des jeunes à Méry-sur-Oise le 9 juillet 2022. © JCR